Daptone vire au rock avec The Mystery Lights

The Mystery Lights © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Première signature rock du label soul Daptone Records, les Mystery Lights ont inauguré l’année passée sa succursale Wick. Apologie de l’artisanat et du travail à l’ancienne…

Le 18 novembre dernier, Sharon Jones décède au terme d’un long combat contre le cancer du pancréas. Elle laisse orphelin le label Daptone Records et désespérément vides les studios et les bureaux, à Brooklyn, de la dernière, de la seule, de l’unique House of soul. Avec le cancer de l’estomac diagnostiqué un mois plus tôt à son « screaming eagle » Charles Bradley, Daptone a morflé en 2016. On ne trouve pas comme ça, à tous les coins de rue, des voix patinées et des histoires cabossées… Mais par-delà le deuil et la maladie, 2016 restera aussi pour la petite maison de disques soul-funk artisanale fondée par Gabriel Roth et Neal Sugarman l’année d’une naissance. Celle de son sous-label rock’n’roll Wick, inauguré avec le premier album des Mystery Lights. « Avec Wick, Daptone essaie de s’enraciner dans le garage sixties, explique leur guitariste Luis « L.A. » Solano. Il veut appliquer au rock’n’roll la recette qui a fait son succès dans la soul et capturer ce son si particulier qui lui est propre. »

Classes, secs, énergiques, les Mystery Lights ont le rock à l’ancienne qui leur coule dans les veines. « Ce que je sais pour sûr à propos de Wick, c’est qu’ils veulent faire du garage rock et du punk sans costume, s’empresse d’ajouter le chanteur Mike Brandon dans les loges de l’Ancienne Belgique. Ils cherchent du real deal. Pas des copycats. Ils ne sautent pas sur des groupes parce que le garage est cool et trendy pour le moment. Je leur ai envoyé un message après avoir vu leurs poulains The Ar-Kaics en concert. « Putain les mecs. Pas d’apparat. Un super band. » Et Neal m’a répondu: « Ben oui, comme le vôtre les gars« . Je me suis senti léger. Parce qu’il y en a des groupes médiocres qui débarquent et qui ont découvert le garage il y a deux semaines. »

Grand, beau, charismatique, Brandon vient de Salinas en Californie. Solano, lui, est né au Mexique et a étudié le cinéma. « On a grandi pas loin l’un de l’autre. Salinas est tout petit. Tout calme. Tu vois John Steinbeck? (Il rigole) Steinbeck y est né et a abondamment évoqué la région dans son oeuvre (notamment dans À l’Est d’Eden qu’il qualifiait d’autobiographie de la Salinas Valley). Il n’y a pas beaucoup de groupes dans ce patelin. On était même l’un des seuls. La meilleure salle de concert à Salinas, c’est un restaurant mexicain. Pour aller voir du live, faut pousser une pointe jusque Monterey ou Santa Cruz. »

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Jusqu’à leur déménagement à New York, l’histoire des Mystery Lights, même ponctuée d’un album, c’est celle, banale, d’apprentis rockeurs dans le fin fond des Etats-Unis. Le rock en mode dilettante, les groupes aux noms à rallonge. Mister Clean and the Dirty Dirty’s ou en encore Darlin’ Darlene and the Attitudes… « C’était un cover band des Misfits.On a eu beaucoup de groupes. Souvent punk. À la Ramones. Seventies. New-yorkais. Des trucs psyché sixties aussi façon Nuggets. Pendant longtemps, on a juste joué pour l’amusement, enregistré des démos. Durant un an ou deux, on n’a même pas donné de concert. On enregistrait juste des chansons parce qu’on aimait les écouter. On sortait des CD’s, des cassettes. On jouait avec les potes qui traînaient.  »

Glande, canapé et carte de crédit

The Mystery Lights, c’est un peu le rêve américain au pied de la statue de la Liberté… Si Solano s’est installé dans la Grosse Pomme pour la musique (« je voulais aussi bosser sur des films »), les autres sont barman, graphic designer… « Tout ce que je connais moi, c’est du boulot de coffee-shop, avoue Mike Brandon. De 5 heures du matin à 7 heures du soir. J’ai été à l’unif pendant un an et je me suis barré juste avant les examens. Je me suis dit que j’apprendrais davantage à New York qu’à l’école. Pendant un an, je n’ai rien glandé. Je dormais sur un canapé et je vivais sur ma carte de crédit. »

Puis la fée Daptone s’est penchée sur leur berceau. Et d’appartement en Mercury Lounge, de galerie bizarre en after party des Guns N’ Roses, les Mystery Lights ont vu la lumière… « Christiana Bartolini du label nous avait repérés et avait dit à tout le monde de venir nous voir. Ils ne nous ont pas contactés. Ils sont passés sans prévenir lors d’un concert à l’Union Pool. On n’avait pas de batteur à l’époque… Enfin bref, on essaie juste de te dire que c’est le pire concert qu’on n’a jamais donné. Mais les mecs sont quand même venus à notre rencontre. Ils ne nous ont pas parlé de nous. On a discuté musique. Et après quelques bières, ils nous ont proposé d’aller visiter le studio et d’y enregistrer quelques morceaux. On a été jusque-là et écouté des tonnes de musique: The Remains, The Standells, garage, psyché, blues, soul… Et on s’est dit, on y va. Enregistrons un 45 Tours. »

Daptone vire au rock avec The Mystery Lights

Daptone ayant déjà dans un coin de la tête l’idée de lancer Wick, l’aventure s’est terminée par une signature et un disque. « On ne se sentait pas trop d’affinités avec In the Red, Goner, Burger Records. C’était trop beau pour être vrai. Ils aiment les mêmes trucs que nous. Puis le genre de musique que nous faisons est parfait pour leur équipement. Ils ont les bons micros, les bons amplis. Le son de nos démos est assez distordu et strident. Ils l’ont réchauffé. Ils en ont fait quelque chose qui n’allait pas te bousiller les tympans. »

« C’était de l’enregistrement huit pistes, termine Solano. La plupart du temps en live. Assez similaire à ce qu’on faisait à la maison mais de bien meilleure qualité. Dans les studios Daptone, tu te sens vraiment chez toi. C’est déjà chouette juste d’être là. L’atmosphère qui s’en dégage est tellement différente de celle des gros studios. Tu as juste l’impression de traîner avec des amis. Des amis qui font tout de manière bien plus professionnelle que toi… »

The Mystery Lights, distribué par Wick Records. ***(*)

En concert le 02/02 à Courtrai (De Kreun)

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