Bruxelles Ma Belle conjugue musique et lieux insolites depuis cinq ans

Paon dans l'opéra La Monnaie © Boris Görtz/Bruxelles Ma Belle
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Depuis cinq ans, l’équipe de Bruxelles Ma Belle filme les groupes aux quatre coins de la ville, improvisant des moments musicaux, à fleur de capitale. Explications avant la fête d’anniversaire de ce vendredi 18 décembre, aux Halles Saint-Géry.

C’est l’une des dernières vidéos postées par Bruxelles ma belle. Elle a été tournée trois jours à peine après les attentats de Paris. Accompagnée de Ryan Francesconi (à la guitare) et de Mirabai Peart (au violon), la musicienne folk Alela Diane chante au milieu de l’église du Béguinage. La voix profonde de l’Américaine est rendue encore plus solennelle par l’écho du lieu, et la gravité du moment. Sublime. « Par la suite, j’ai reçu un mail de Ryan Francesconi qui était super heureux du résultat, content de pouvoir disposer d’une chouette vidéo pour leur album! »

Ce n’est pas le seul message du genre que Manou Milon a reçu depuis qu’il a filmé la première capsule de Bruxelles ma belle. C’était en mars 2010, et depuis il n’a plus arrêté. Cinq ans, c’est pas mal pour un concept Internet. Alors que les formats du même genre se sont multipliés, cela représente même déjà un fameux anniversaire, qui sera fêté en bonne et due forme le 18 décembre prochain, aux Halles Saint-Géry. Entre-temps, les motivations de l’entreprise n’ont pas changé, carburant essentiellement à l’enthousiasme et à la passion.

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Comme souvent, l’idée de départ naît d’une frustration. « A l’époque, je m’enfilais les concerts, je passais ma vie au Botanique. C’était bien, mais j’avais envie de plus », explique Manou Milon. Français, il est arrivé quelques années plus tôt en Belgique pour étudier le montage vidéo à l’IAD, à Louvain-la-Neuve. A la sortie de l’école, il commence tout de suite à bosser à la RTBF. Mais l’envie est de plus en plus grande de creuser le filon musical. En France, depuis 2006, la blogothèque a montré qu’il y avait moyen de convaincre les groupes de se laisser filmer sans grands artifices, pour des capsules limitées au Web. Pourquoi pas tenter le même exercice à Bruxelles? Après avoir suivi le groupe Eté 67 pour la RTBF, Manou Milon se lance. Il envoie un simple mail au manager. Sans réponse. Quelques jours plus tard, pourtant, le label Pias le rappelle et lui demande de passer pour discuter. C’est ainsi qu’il se retrouvera finalement à filmer le groupe liégéois sur un toit de Saint-Josse, pendant deux heures. « Des cousins m’avaient « prêté » leur appartement pour l’occasion, j’avais même prévu des quiches… (rires). » Intimité, lieu décalé (et tartes salées): le concept Bruxelles ma belle était lancé…

Décor capitale

Depuis, la liste des invités n’a cessé de s’allonger. Les groupes belges sont majoritaires, des Girls in Hawaii à Arno. Bruxelles ma belle a séduit cependant aussi des noms internationaux, de Lianne La Havas aux Editors en passant par Chilly Gonzales. Très rapidement, Manou Milon a quitté la RTBF pour se consacrer exclusivement au projet. Après avoir dû longtemps démarcher les maisons de disques, celles-ci font de plus en plus souvent elles-mêmes des propositions. En clair, le boulot ne manque pas. Il y a le site Internet à gérer (« le nouveau arrive! »), les rendez-vous à organiser (« le plus compliqué, ce sont les lieux de culte; à chaque fois, il faut passer par les fabriques d’église pour avoir l’accord, ce qui prend souvent du temps »), mais aussi les financements à trouverCar « on a très vite compris qu’il n’y avait pas d’argent », ni chez les artistes ni chez les labels, qui ont intégré ce genre d’exercices dans leur planning promo: « Aujourd’hui, on est un peu considéré comme un média. »

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Les sous (pour payer les collaborateurs, le site Web…), Manou Milon a réussi malgré tout à en trouver du côté de… la Région bruxelloise (à la fois du côté du Patrimoine, et la promotion de l’image de Bruxelles). Malin et logiquepour un concept qui, dès le départ, a fait de la ville son décor privilégié -présente jusque dans le nom même de la série, emprunté à la chanson de Dick Annegarn. Les capsules de Bruxelles ma belle ne servent ainsi pas seulement d’outil promo pour les artistes: elles constituent aussi une belle vitrine pour une ville qui, aujourd’hui plus que jamais, en a bien besoin…

Dans la flopée de formats live qui fourmillent sur le Net, Bruxelles ma belle ne se distingue cependant pas seulement par son décor. L’attention est aussi portée sur la qualité de la réalisation. « C’est important pour un groupe d’occuper la Toile, souligne Damien Waselle, directeur de Pias Belgique. Mais tant qu’à y être, autant essayer d’être présent avec le maximum d’élégance. Quelqu’un comme Manou, par exemple, a l’oeil et soigne ses vidéos, notamment au niveau du son. » « Cela me semble essentiel, ne serait-ce que par respect pour l’artiste, dixit l’intéressé. L’autre jour, j’assistais à une scène où une blogueuse s’était contentée de filmer le groupe directement avec son petit appareil posé sur un pied. Une vraie blague! »

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Le syndrome du ukulélé

Si c’est de moins en moins le cas, le Web a en effet souvent servi d’excuse à un certain amateurisme. Les Bruxellois de BRNS en ont régulièrement fait les frais. Antoine Meersseman: « On a décidé de mettre le frein. Le problème, c’est que tout le monde veut de l’exclusif. Du coup, on a fait des dizaines de sessions pareilles. Et à part quatre, cinq exceptions, c’est assez traumatisant. La plupart du temps, on est déçus à la fois de la manière dont ça se passe, et du résultat. » Damien Waselle: « C’est vrai que les propositions se sont multipliées. C’est surtout le cas pendant les festivals où l’on reçoit pas mal de demandes, plus ou moins foireuses. Mais les groupes ne peuvent pas non plus passer leur vie à ça. » Ce qui pour les labels tient, dans le meilleur des cas, du clip vidéo réalisé à l’oeil, peut ainsi parfois se transformer en pénible corvée promo.

Cela n’est pas dû qu’aux conditions de tournage. Parfois, c’est l’exercice même d’un live dépouillé qui ne convient pas au groupe. Antoine: « Nous, on compose une musique amplifiée, qui s’écoute et se joue fort. Il ne faut donc pas nous demander de les refaire au ukulélé. Cela n’a pas de sens! Cela dénature complètement les morceaux. On n’en a rien à battre de jouer en acoustique. » Manou Milon: « Je comprends. Les groupes bossent comme des arrachés pour créer parfois des choses très complexes, et on leur demande de tout réduire à deux guitares. » La première fois que BRNS a participé à une session pour Bruxelles ma belle, en 2012, le groupe a logiquement insisté pour jouer en électrique. Antoine: « Je sais que cela a pas mal stressé Manou, mais au final, cela s’est super bien passé. » Le groupe retournera d’ailleurs une nouvelle paire de morceaux, au milieu des moulages des ateliers du Cinquantenaire.

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L’exercice reste donc délicat. Il s’agit de trouver l’équilibre entre un certain professionnalisme et la spontanéité revendiquée de ce genre de format Web. « Dans les faits, on dispose de toutes façons généralement de très peu de temps, explique Manou Milon. On réussit à se glisser dans la journée promo de l’artiste, qui nous consacre une heure ou deux. Du coup, quand je cherche un endroit de tournage, le premier critère est souvent de ne pas trop s’éloigner de l’endroit où ont lieu les interviews… Mais soit: c’est aussi ce qui me plaît, jouer avec l’immédiateté, devoir improviser avec les conditions du moment. »

Ce qui n’empêche pas par la suite tout un travail de montage. « On est au minimum deux à l’image. Il faut filmer le groupe, souvent en plusieurs prises, et puis le lieu aussi. Au final, cela donne des sessions très « clippées », qui jouent également beaucoup sur le rythme. Personnellement, je n’ai jamais été obsédé par l’idée du plan-séquence unique -même si on l’a fait récemment avec un groupe comme The Districts. » De toute façon, aujourd’hui, même les pionniers de la Blogothèque s’affranchissent de plus en plus souvent de cette exigence « naturaliste » (voir le récent live hyperléché de Nicolas Godin, « clippé » à l’aéroport d’Orly).

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C’est symptomatique d’un format Web qui s’est généralisé: dans la masse, il a fallu augmenter de plus en plus la qualité pour se détacher. Avec ses vidéos soignées, Bruxelles ma belle a su tirer son épingle du jeu. En prenant la capitale comme fil rouge, elle s’est même trouvé une identité forte. L’an prochain, Manou Milon entend d’ailleurs encore davantage mettre en valeur la ville, en multipliant ce qu’il a baptisé ses « Visite musicales ». En septembre dernier, Great Mountain Fire invitait par exemple au Théâtre américain, sur le plateau du Heysel. « Ici, le concept est de faire découvrir un lieu du patrimoine en y organisant un concert privé. Le truc intéressant est qu’on invite à chaque fois un guide touristique qui parsème la soirée d’informations historiques sur le lieu. » Comme dirait le poète, Bruxelles ma belle, je te rejoins bientôt

WWW.BRUXELLESMABELLE.NET

SOIRÉE D’ANNIVERSAIRE LE 18/12, AUX HALLES SAINT-GÉRY, AVEC DES SETS DE GIRLS IN HAWAII, BRNS, BENOÎT LIZEN, PAON, NICOLAS MICHAUX, ET ROBBING MILLIONS.

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