Angèle, reine de Forest (en images)

Angèle © Étienne Tordoir
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Après son frère, il y a à peine un mois, Angèle a pris à son tour possession de Forest National. Compte-rendu d’un triomphe annoncé.

C’est le deuxième (et dernier rappel) : juste après sa reprise, désormais classique, du Bruxelles de Dick Annegarn, Angèle est rejointe par le colosse Damso pour le duo Silence, tiré de Lithopédio. C’est un peu comme boucler une première boucle. Un an et demi plus tôt, la jeune femme jouait, au même endroit, en première partie du rappeur. A l’époque, elle n’avait encore sorti qu’un seul titre, La loi de Murphy, mais déjà un buzz et une série d’indices qui pouvaient laisser penser qu’il y avait davantage à conquérir derrière. Encore fallait-il concrétiser toutes ces promesses…

Depuis la sortie de son premier album Brol, à l’automne dernier, Angèle a fait mieux que ça. Seule à pouvoir contester un tant soit peu l’hégémonie des rappeurs dans les charts français (kikoulol Booba), elle a bénéficié d’une couverture médiatique XXL, s’est retrouvée récompensée aux Victoires de la musique, croquée par le dessinateur Riad Sattouf, invitée à ouvrir le festival de Cannes, citée carrément outre-Atlantique, avant de prêter sa voix à la poupée Gabby Gabby du prochain Toy Story, en juin prochain… L’emballement, avec tout ce qu’il peut avoir d’irrationnel et de f(l)ou.

Cette trajectoire donnait forcément un cachet particulier au concert à Forest, samedi soir. Six mois après une AB, et six autres avant un premier Palais 12, Angèle rassemblait un public (parfois très) jeune, et ultra-enthousiaste – dévalisant, littéralement, le stand de merchandising ( » En 10 ans, je n’ai jamais vu ça « , confiait l’un des vendeurs). Pour l’occasion, le concert était à nouveau  » recalibré « . Avec toujours deux uniques musiciens – Ariel Tintar (guitare, claviers) et Kevin  » Kikoué  » Ki, en sentinelle, perchés sur leur podium -, et les yeux-écrans géant qui surplombent la scène – miroirs de l’âme ou des réseaux sociaux, allez savoir. Mais aussi, désormais, quatre danseuses qui amènent un nouvelle touche : des chorés à la coule, qui dynamisent le concert, sans le faire pour autant tomber dans la superproduction clinquante.

La plupart des morceaux de Brol ont également été souvent reboostés, rallongés, remixés. Juste après le groove funky 80’s de Victime des réseaux, Je veux tes yeux, par exemple, prend un tour nettement plus dansant (quitte à se télescoper contre des paroles, qui suggèrent plus de retenue), tandis que la reprise du T’es beau de Pauline Croze se termine carrément dans le club. Des surprises sont également au programme. On a déjà évoqué Damso. En milieu de concert, c’est carrément le daron qui monte sur scène : la fille et le père, Marka, pour une jolie reprise solo piano de son Avant/Après (https://www.youtube.com/watch?v=fa9LVONBvzc). Angèle avait 6 ans, quand est sorti l’album du même nom. Sur la pochette, un gamin, l’air déjà frondeur : Roméo Elvis. Samedi soir, il est aussi de la partie. En fait, le frangin rappeur était déjà présent sur la même scène la veille pour accompagner M, et un mois plus tôt pour son propre concert, pendant lequel Angèle était elle-même conviée à ses côtés : autant directement remettre aux Van Laeken une clé de la salle… Quand Roméo déboule pour Tout oublier, c’est naturellement l’hystérie. C’est, à ce jour, le plus gros tube d’Angèle – il suffit à la jeune femme de plaquer les deux premiers accords au piano pour que la salle s’enflamme. L’autre, c’est assurément Balance ton quoi, dégainé après à peine 10 minutes. Il faut entendre le public (post-)ado reprendre en choeur la ritournelle féministe faussement naïve-  » faudrait peut-être casser les codes, une fille qui l’ouvre ce serait normal « . Difficile de ne pas être remué.  » I wish I was a millenial « , tweete la trentenaire assise à côté…

Dans la tribune, le Français Tristan Salvati, qui a coproduit Brol, ou encore Matthew – Puggy – Irons, qui a participé à la composition des premiers morceaux -, profitent du spectacle. Stromae, aussi, est présent. Lui, qui a connu ce genre d’engouement massif, pense-t-il aussi à ce qu’il implique, le prix, parfois lourd, à payer ? En deux ans à peine, Angèle est passée du stade de (quasi) inconnue, remplissant la Rotonde du Botanique, avant même d’avoir sorti son premier single, à celui de pop star, nouvelle idole générationnelle de la scène française, s’offrant une tournée des zéniths français. Avec des shows de plus en plus rodés et charpentés. Mais qui donnent l’impression de pouvoir encore être poussés plus loin (les écrans géants ne sont quasi pas exploités) – et c’est sans doute la meilleure nouvelle de la soirée : Angèle a encore une marge de progression.  » La suite, on verra « , chante-t-elle encore sur Flou. En l’occurrence, elle s’annonce radieuse.

Laurent Hoebrechts

Setlist

La thune

La loi de Murphy

Balance ton quoi

Jalousie

Les matins

Nombreux

Avant/Après (reprise Marka)

Victime des réseaux

Je veux tes yeux

Tout oublier

T’es beau (reprise Pauline Croze)

Ta reine

Flou

Flemme

Bruxelles (reprise Dick Annegarn)

Silence (reprise Damso)

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