50 ans de Flamin’ Groovies: rappel des faits

Après un demi-siècle, la date de péremption des Flamin' ne semble curieusement pas dépassée... © Getty images
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Incongruité rock’n’roll, suceuse talentueuse des Beatles et des Rolling Stones, la légende The Flamin’ Groovies débarque à Bruxelles (Madame Moustache, ce 11 juin), cinquante ans après un premier album.

1976. The Stooges, le MC5, la compilation Nuggets bidouillée par Lenny Kaye, guitariste de Patti Smith: le genre de bruit que le punk débutant révère alors en toute normalité, à la recherche de racines plus ou moins fantasmées aux Pistols et Clash débutants. Sur la morne plaine des mid-seventies, apparaissent aussi dans la presse l’un ou l’autre articles plus que bienveillants sur des Américains aux cheveux courts et aux longues idées vestimentaires: The Flamin’ Groovies. Vêtus comme des milords rescapés du Swinging London, ils portent le trois pièces cintré et les bottines Cuban heels. Totale anormalité visuelle dans une période où le prog rock s’envole vers le cosmique marché international, longues douilles, falbalas et synthés au vent. Rayon musical, le décalage avec l’époque n’en est pas moins abyssal: exilés en Grande-Bretagne, les Yankees y enregistrent Shake Some Action qui paraît au début de l’été 1976. Sur la pochette, ils posent fièrement à côté d’une Rover sport, complément d’un hommage quasi mimétique à la « British invasion » des années 60. À l’une ou l’autre exceptions près évoquant Chuck Berry (St. Louis Blues), l’album est d’abord une révérence monumentale à l’autel Beatles. Mélodies hyper-acidulées, harmonies groupées, clarté instrumentale réverbérée, la fascination pour le lien Fab Four/Carnaby Street/Mary Quant imprègne même le choix des titres, She Said Yeah ou Please, Please, Girl. Avec un talent power pop qui ira donc jusqu’à impressionner la génération épingles de sûreté, peut-être aussi pour la marginalité manifeste de cette possible lubie.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Le 4 juillet 1976, les Stranglers et les Ramones ouvrent pour les Flamin’ Groovies à la Roundhouse londonienne. Rotten, Strummer, Rat Scabies et les autres assistent, sciés, non seulement au premier concert des faux frères new-yorkais et de leurs aînés Groovies, mais à ce qui, ce jour-là, constitue le plus grand événement punk mondial jamais organisé. L’affaire est d’autant plus « grande-bretonne » que le disque est bouclé au Pays de Galles, dans les Rockfield Studios de Dave Edmunds, chanteur-producteur revivaliste avant l’heure, ayant décroché en 1970 un hit mondial avec le retro I Hear You Knocking. De toute cette saga vintage, le pape Greil Marcus retiendra le morceau Shake Some Action dans son ouvrage The History of Rock’n’Roll in Ten Songs publié en 2014. Il y écrit: « Je pourrais citer les mots de Norman Mailer et l’impression -en écoutant cette chanson- de se retrouver pour la première fois au contact de l’eau. » Bien que se noyant aux États-Unis -numéro 142 au Billboard- Shake Some Action aura dans les décennies suivantes un impact artistique important des deux côtés de l’Atlantique: des Fleshtones aux Cramps en passant par The Cranberries ou REM.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Bacs à soldes

Shake Some Action est déjà le quatrième album des Flamin’. Et le second chapitre d’une vie musicale qui commence au mitan des sixties à San Francisco. Dans la ville encore pré-hippie, le groupe va se constituer via le même tempo incertain que tout au long de sa carrière, voguant au gré des multiples changements de musiciens. Il faut donc trois années d’atermoiements pour que les Flamin’ gravent en 1968 leur premier microsillon. Un EP baptisé Sneakers -baskets- bouclé en huit heures sur un quatre pistes par la bande: Cyril Jordan (guitare, chant), Roy Loney (chant, guitare), George Alexander (basse, harmonica, chant), Tim Lynch (guitare, harmonica, chant) et Danny Mihm (batterie). Ce sont les deux premiers Jordan et Loney qui mènent le groupe, dessinent le style comme les chansons, impriment le rythme. Quand 1969 sonne, la jeune génération américaine se trouve fuselée par les drogues, le psychédélisme, les jams guitaristiques et l’idéal cosmic & love. Un mois après la grand-messe de Woodstock, débarque le premier album des Flamin’, Supersnazz. Contre-emploi intégral de ce qui est alors la mode -Hendrix, Led Zep, Creedence- avec ses rasades de reprises d’Eddy Cochran (Somethin’ Else) et de titre popularisé par Little Richard (The Girl Can’t Help It). Calés au panthéon d’originaux qui signent un amour évident du blues et du rock’n’roll grasseyants.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Instantanément, l’album se retrouve remercié dans les bacs à soldes, alors qu’écouté 50 ans plus tard, il sonne comme une collection enthousiasmante de vignettes pop intemporelles bien senties. Appendice de tout ce qui fait la jeunesse endémique depuis le milieu des années 50, sauf que là, les Flamin’ ont soit une guerre de retard ou une d’avance. À côté de la plaque discographique en tout cas. Sort ingrat et décalé que les deux albums suivants –Flamingo (1970) et Teenage Head (1971)- ne démentiront pas, le flop commercial s’approfondissant. Ce qui déprime le co-leader Roy Loney qui retourne planter ses choux ailleurs. La suite des événements n’est pas racontable en deux pages puisque les Flamin’ vont connaître autant de déboires que de séparations/reformations, intégrant pendant longtemps le benjamin Chris Wilson (1952) dans leurs rangs. Carrière bossue qui passe quelques fois par la Belgique -en décembre 1971 à l’AB- avec des ratés très punks, comme cette apparition au Canotier du boulevard du Souverain en 1978, où un membre du groupe parvient à se blesser entre le soundcheck et le concert, ce dernier étant finalement annulé. Et puis dans un scénario très ricain mêlant intimement mini-gloire culte, décadence économique et cycle cruel des modes, force est de constater que ces grooveurs ressuscités des sixties méritent aujourd’hui un regain d’intérêt. Comme leur album Fantastic Plastic paru en 2017 (chez Bertus), le premier en 24 ans, le montre amplement: en live, ce rock’n’roll frondeur semble aussi efficace que les Stones mais nettement plus punk et, faut-il le dire, abordable au rayon ticket d’entrée.

En concert le 11/06 à Madame Moustache à Bruxelles.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content