Critique

Narita Boy, pixels fatigue?

Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Pixel art, années 80 et jeux vidéo arrivent-ils à saturation en 2021? Beau à s’en damner mais pauvre en gameplay, Narita Boy apporte un élément de réponse.

Douée en pixel art, l’Espagne brille comme une terre d’excellence néo-rétro dans le game indé. Les Sévillans de Fourattic marquaient ainsi 2018 en mixant Stranger Things et Les Goonies dans Crossing Souls. Autour d’un feu de camp (Gods Will Be Watching) ou derrière un bar à cocktails (The Red Strings Club), la Deconstructeam a aligné, de son côté, des récits époustouflants depuis plus de six ans. Cette lame de fond également nourrie des point & click atmosphériques d’Octavi Navarro Arts & Games grossit cette année avec la joyeuse entrée de Studio Koba. Fans de Tron, ces six développeurs barcelonais se téléportent dans le monde parallèle vivant et (très) mystique des lignes de code d’un ordinateur sur Narita Boy.

Dans une expo ou un jeu vidéo, ne pas saisir immédiatement le sens d’un tableau ou d’une scène augure souvent du meilleur. Incarnant un agent luttant contre une infection informatique et l’amnésie d’un créateur de jeu, Narita Boy reproduit cette délicieuse sensation dans une 2D luminescente. Des moutons électriques sautent près d’un inconnu assoupi. Plus loin, un cercle de fidèles se noie presque dans le halo d’une colonne de lueurs bichromatiques qu’il vénère. De la composition de ses tableaux à l’élégance de ses personnages longilignes, le jeu peuplé de cerfs à tête de Macintosh et de boss armés de VHS évoque Superbrothers: Sword and Sworcery EP de Capybara Games. Ses temples de granit gigantesques déclenchent parfois le recul de la caméra (qui joue souvent avec les échelles). La folie des grandeurs de Moebius n’est pas loin. Bienvenue dans une orgie visuelle.

Narita Boy, pixels fatigue?

Lost in translation

Descendant esthétique d’Another World et de Flashback, la minéralité tech de Narita Boy peine hélas à se doubler d’une consistance narrative et ludique. Chaque rencontre s’y solde en effet par des dialogues au jargon cryptique. D’une « techno clé » aux « lignes de codes éthérées, d’un non-espace et d’un non-temps« , le jeu pousse à zapper ses textes ampoulés. Ses élucubrations contrastent avec l’extraordinaire concision poétique des haïkus japonais du récent Olija de Skeleton Crew.

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Contrairement à ce dernier, le gameplay de Studio Koba ne décolle pas plus. Ses phases d’exploration exigent de trouver plusieurs interrupteurs dans un Metroidvania amputé de carte et veiné d’allers-retours pesants. Coiffé de petites énigmes sans relief où l’on scrute (entre autres), dans les décors, des pictogrammes déverrouillant une serrure, le jeu enchaîne en outre des phases de plateforme scolaires empêtrées dans une physique imprécise.

Loin d’être dramatiques, ces faux pas auraient pu être rattrapés par les combats du jeu. Mais là encore, face au harpon multifonction d’Olija, l’épée de Narita Boy ne soutient pas la comparaison. Certes, sa grammaire offensive tente de faire preuve de complexité (mode fusil, charge de rayon, petit dash…). Mais faute d’adversaires passionnants, l’adrénaline ne monte pas. Ou comment le pixel art montre ses limites en 2021…

Narita Boy

Édité par Team17 et développé par Studio Koba, âge: 16+, disponible sur Linux, PC (Microsoft Windows), Mac, PlayStation 4, Xbox One et Nintendo Switch. ***

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