Serge Coosemans

Gros bisous psychopathes de Los Santos et Westworld

Serge Coosemans Chroniqueur

Serge Coosemans, cette grosse patate de canapé, n’a pas fait grand-chose cette semaine, à part jouer à GTA Online et regarder le premier épisode de Westworld, la nouvelle série HBO inspirée d’un film culte de son enfance. Et si ça en disait malgré tout long sur cette tendance qu’ont certains joueurs bien pantouflards dans la vie à virer en véritables psychopathes dès qu’aux manettes d’une console? Pop-culture seventies et carambolages à Los Santos, c’est le Crash Test S02E06.

Et donc, je rejoue aux jeux vidéo. À quasi 47 ans. J’avais laissé tomber il y a 12 ou 13 ans, en même temps que la clope, et ça m’a ne m’a pas du tout manqué depuis. Moins que les Sugus, en tous cas. Sans doute parce que pour dégommer du quidam, il me restait Facebook et Twitter. Depuis quelques jours, je joue principalement à GTA Online. Je me suis créé un personnage de fils dégénéré de DJ Hell à mauvaise peau qui se prendrait pour Ryan Gosling. Il s’appelle Pascal Smet, porte un blazer rouge, une cravate, un gilet et un slim noirs, ainsi que des pompes pointues qui brillent bien dans la nuit. Quand j’en ai eu marre de voir sa tronche de réassortisseur de chez Spar, je lui ai acheté au magasin de farces et attrapes un sac en papier brun avec deux trous pour les yeux à se mettre sur la tête. Je promène donc dans Los Santos un perso tout droit sorti de la pochette de l’album des 2 Many DJ’s mais comme je viens de commencer le jeu, je n’ai pas d’argent, pas de voiture fixe, pas de maison, aucune endurance et une réputation de 2. Je me fais donc dégommer à chaque altercation par des joueurs bien plus confirmés que moi, mais ça ne m’empêche pas de me comporter en gros troll psychopathe. J’ai notamment braqué toutes les supérettes de la map, ce qui a rendu les flics particulièrement hargneux. Au cours d’une énième poursuite, ils m’ont tué dans une ville de péquenauds aux abords du désert. Les modalités de GTA étant ce qu’elles sont, j’ai ressuscité devant la porte de l’hôpital local, en pleine nuit. Toujours sans voiture, sans argent, sans contact, sans cache et quasi sans arme. Et c’est là qu’a débuté ce qui est peut-être bien la meilleure expérience de jeu immersif de ma vie.

Un joueur du pseudonyme de DeaconDisaster a en effet décidé de jouer au chat et à la souris avec Pascal Smet. Dans sa bagnole mauve et verte blindée, une monstruosité pimpée à la Fast & Furious, il a commencé à me narguer, me foncer dessus, me laisser reprendre des forces, me faire courir et me tirer comme un lapin. Avec ma petite mitraillette, je n’en menais pas large et je pense que n’importe quel autre joueur aurait laissé tomber mais justement, je ne suis pas n’importe quel autre joueur, vu que je pourrais être le grand-père du plus jeune d’entre eux. Je me suis donc pris au jeu. Je me suis caché, je me suis arrangé pour que les flics se mêlent à notre petite sauterie, j’ai tenté de fuir en volant les bagnoles de pépés qui traînaient dans le coin. DeaconDisaster m’a buté une bonne vingtaine de coups, moi 4 ou 5, en lui tirant dans la tête les rares fois où il est sorti de son bolide ou en l’entraînant dans les endroits pleins de cailloux et de roches où les accidents sont inévitables. Finalement, je suis monté sur la plateforme d’un train qui passait. DeaconDisaster a essayé de me poursuivre sur les rails mais s’est pris une borne kilométrique dans la montagne et en est mort. Le temps qu’il ressuscite, j’avais sauté du train, volé une Jeep et disparu dans la nature. Vous ricanez, je le sais: « hahaha, ce Serge, mais quel gros gamin! À 47 ans, Thierry Coljon avait déjà écrit 4 livres, lui! » Je m’en fous, je maintiens: meilleure expérience de jeu de ma vie et j’oserais même avancer que c’est justement dû à l’âge des participants. Tout comme moi, je pense que ce DeaconDisaster a en effet vite compris qu’on était en plein remake crossover immersif de La Colline a des yeux, Sugarland Express, Christine et Duel; qu’aux manettes, ce n’étaient justement pas des gosses mais bien des types se rendant complètement compte que leur petite partie nocturne de GTA, un jeu online généralement juste bordélique ou simplement solitaire et flemmard, prenait soudainement un aspect hollywoodien idéal de survival horrifique comme on n’en ose plus, avec une bagnole débile, des flics hargneux et un hipster raté avec un sac en carton sur la tête, le tout accompagné par de la musique inédite de Tangerine Dream et un mix de Flying Lotus. Non mais, venez encore essayer de me convaincre de l’absolue nécessité de regarder des films de Joachim Lafosse, Star Wars ou La Trêve, après ça…

Bardaf, c’est l’embardée

Je me suis sinon cette semaine aussi envoyé le premier épisode de Westworld, la nouvelle série HBO inspirée du vieux b-movie de Michael Crichton. En Coosemanerie, on ne rigole pas avec Westworld, qui reste tout de même assez incroyable et bizarre pour une production hollywoodienne tournée par le scénariste de Jurassic Park (qui en est quasi un remake avec un tyrannosaure à la place de Yul Brynner) et Urgences, la meilleure publicité pour George Clooney avant le café moulu en capsules à doses uniques. C’est que Westworld est un film à peu près aussi détraqué que les robots dont il conte l’histoire. Réussi et efficace, c’est Terminator, mais justement, ce n’est pas un film très calibré et réussi et ce sont justement de ces flottements et de ces séquences wtf où des types réparent des robots et appuient sur des boutons inutiles que naît l’angoisse, qu’on a le temps de se rendre compte que ce qu’ils fabriquent est un peu dégueulasse, que la froideur dégagée par ces scènes dérange. Et à la fin, lorsque les talons des western boots de Yul Brynner résonnent à n’en plus finir dans les couloirs des laboratoires, ça marque à vie bien davantage que si la castagne ne durait que 3 minutes 30 chrono dans une fonderie.

L’idée d’un remake de Westworld rallongé en série télé m’emballait donc à peu près autant qu’un Espagnol vomit la paëlla au chorizo de Jamie Oliver, d’autant que ce sont JJ Abrams et le frérot Nolan aux manettes, selon moi des types tout à fait condamnables pour crimes de guerre. Je dois toutefois bien avouer avoir été agréablement surpris par cet épisode-pilote. Bien sûr, c’est pas gagné. Westworld devrait compter 5 saisons et, vu le sujet particulièrement casse-gueule et le recours généralement sans honte aucune aux gros clichés dans les oeuvres précédentes d’Abrams et de la famille Nolan, il n’est absolument pas certain que cette affaire-là puisse tenir la route jusqu’en 2022 sans très vite virer en pantalonnade absolue (Spartacus avec des robots garçons vachers à la place des maîtres-nageurs en jupettes de cuir, Le Train sifflera trois fois sur ton iPhone 12…). N’en demeure pas moins que ce premier épisode intrigue donc vraiment, d’autant plus qu’ils ont non seulement gardé les flottements et les séquences interminables où des types chipotent des robots mais qu’ils les ont carrément updatées et rendues encore plus morbides et anxiogènes.

Même si c’est encore avec de grosses pincettes, Westworld ose aussi enfin aborder une idée que je trouvais jusqu’ici restée un peu taboue chez les Américains, alors que beaucoup moins dans le cinéma asiatique: dans un monde ludique où tout est permis et qui ne présente a priori aucun risque, il est forcé que certains joueurs humains vont se montrer crapuleux dès le départ, tester les limites du script de la réalité en toc qu’on leur propose plutôt que de le suivre sagement. Plutôt basique, le Westworld de 1973 était un film où des humains prisonniers d’un parc d’attraction où jouer au cow-boy tentaient de survivre alors que des robots détraqués se mettaient à tuer tout ce qui bouge. Toujours un peu con mais nettement plus ambitieux, cette première heure de Westworld 2016 pose plutôt en filigrane la question: « et vous, vous feriez quoi, AVANT que cela ne se détraque? » Moi, c’est tout vu: je tue 67 chevaux, j’entasse les carcasses en rond au milieu de la rue, je place quelques gatlings avec munitions illimitées dans le cercle, je me fous un masque de guerre indien sur la tronche ainsi qu’un gilet pare-balles en dessous de ma tenue de denim noir et de ma veste à floches de daim vert et j’arrose tout ce qui moufte de balles dum dum explosives. Prends ça, le psy de Bernard Wesphael.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content