Comment World of Warcraft a permis d’analyser des comportements humains durant une épidémie

World of Warcraft mis à l'honneur durant la Gamescom 2017 © Isa Foltin/Getty Images

En 2005, alors que le jeu compte près de 4 millions de joueurs, une épidémie virtuelle éclate et force les développeurs à déclarer la quarantaine. Un événement qui a fortement intéressé des chercheurs dans l’étude des comportements humains.

Azeroth, 13 septembre 2005. Les joueurs du MMORPG le plus populaire au monde affrontent le bien nommé « Hakkar l’écorcheur d’âmes » et dernier boss du raid de Zul’Gurub. Ce nouveau niveau introduit par Blizzard dans World of Warcraft est complexe et demande aux joueurs le maximum d’expérience avant de pouvoir l’accomplir. Une des raisons? Hakkar lance un sort appelé « Sang Corrompu » qui cause des dégâts continuellement au joueur durant un certain laps de temps. Sa particularité est qu’à l’instar d’une maladie contagieuse, l’effet de ce sort se transmet d’un personnage à l’autre se trouvant à proximité. Une fois le boss défait, l’effet de ce sort aurait dû rester à l’intérieur de la zone. Mais un bug en a décidé autrement.

Dans World of Warcraft, les joueurs peuvent être accompagnés d’un familier, autrement dit d’un animal de compagnie. Ces familiers se sont retrouvés touchés par le Sang Corrompu, sans en subir les effets, mais avec la possibilité de le transmettre. Donc, une fois la quête accomplie, les joueurs sont revenus dans les grandes villes du jeu, transmettant la maladie de manière exponentielle. La première épidémie virtuelle commence.

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Les joueurs de bas niveau ont été les personnes les plus touchées. Une fois la maladie transmise, leur personnage mourrait instantanément car le sort était à la base prévu pour des joueurs de haut niveau. À tel point que les serveurs touchés se sont rapidement retrouvés remplis de leurs squelettes. Au vu de la rapidité de la transmission, les développeurs ont tenté d’imposer la quarantaine aux joueurs. Certains ont suivi le mot d’ordre en rejoignant les campagnes, d’autres ont aidé des joueurs en les soignant pendant que les derniers, ne suivant pas ces règles, ont tenté de refiler la maladie au plus de personnes possible. Cette quarantaine est finalement un échec et les développeurs se voient obligés de traiter le problème à la racine en appliquant un patch qui va stopper ce bug.

À l’époque, Blizzard affirme que près de 4 millions de personnes jouent régulièrement à World of Warcraft et bien que l’épidémie se soit finalement limitée à quelques serveurs, ce seraient des milliers de joueurs qui en auraient été victimes.

Un terrain de recherche pour les scientifiques

À partir de 2007, certains scientifiques, avertis de l’évènement, ont décrit l’incident du Sang Corrompu comme une étude de cas possible des réactions sociales face à une épidémie. Le fait que la maladie se soit déclarée dans une région éloignée et qu’elle ait été transportée par des voyageurs vers des régions densément visitées constituait une comparaison plausible à une épidémie réelle. Durant la conférence Games For Health de Baltimore, on a comparé la maladie à celle de la grippe aviaire qui peut se transmettre par l’Homme et les animaux. Les scientifiques n’ont pas manqué de décrire les éléments différant d’une épidémie réelle, comme les risques réellement encourus par les joueurs et le fait qu’une mort dans le jeu n’est jamais définitive.

Mais l’étude de ce cas proche de la réalité a continué de susciter de l’intérêt. En août 2007, Nina Fefferman, une épidémiologiste américaine, a appelé à la recherche sur ce type d’événements virtuels. Dans une étude publiée sur The Lancet, elle avance que le cas vécu dans World of Warcraft permettait d’étudier les comportements humains, facteur qui n’avait jamais été pris en compte dans les études et simulations antérieures. Elle a par exemple théorisé le « facteur de stupidité » en référence aux joueurs qui se sont rendus sur les zones infectées pour ensuite revenir témoigner de ce qu’ils ont vu, tout en propageant la maladie à leur tour.

Pour elle, les jeux multijoueurs en ligne constituaient alors un nouveau terrain de recherche pour les scientifiques et elle a d’ailleurs proposé à Blizzard de collaborer. La société s’est d’abord montrée intéressée avant de finalement décliner l’offre.

Arno Goies

D’autres jeux vidéo qui ont aidé (et aident toujours) la recherche

Foldit

Sorti en 2008, ce jeu a été développé par l’université de Washington afin de permettre à des personnes extérieures au cadre scientifique de participer à la recherche. Concrètement, le but du jeu est de résoudre des puzzles de protéines afin d’en comprendre la structure et la manière de fonctionner. Un nouvel objectif a été donné aux 200.000 joueurs: trouver la protéine antivirale à celle du coronavirus. S’il n’y a aucune certitude sur le fait que le jeu puisse faire avancer la recherche sur ce sujet, des amateurs du jeu scientifique avaient réussi en 2011 à remodeler la structure d’une enzyme présente dans un virus qui s’apparente au sida chez le singe.

Eve Online

Dans ce jeu multijoueur sorti en 2003, les joueurs parcourent la galaxie dans des vaisseaux spatiaux afin de collecter des ressources, faire fortune, partir à l’aventure, participer à des guerres entre différentes factions… Mais en 2017, le projet Discovery permet d’aider à la recherche des exoplanètes depuis l’univers virtuel du jeu. Les joueurs peuvent interagir et analyser des données scientifiques réelles provenant de CoRoT, un satellite mis à l’arrêt en 2014, et qui permet par exemple de mesurer la luminosité d’étoiles lointaines. Ce projet a été lancé en collaboration avec l’université de Reykjavik et l’astrophysicien Michel Mayor qui a notamment découvert la première exoplanète en 1995.

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Sea Hero Quest

Conçu en collaboration avec l’University College de Londres et l’Université d’East Anglia, ce jeu sur smartphone permet de faire avancer la recherche sur le diagnostic de l’Alzheimer. Le joueur navigue sur son bateau en passant des épreuves qui stimuleront la mémoire et le sens de l’orientation, les premières aptitudes touchées par la maladie. Les données récoltées permettent ensuite aux chercheurs de mieux comprendre comment se déplacent les hommes et les femmes et de lier l’activité du joueur à ses déplacements dans l’espace. Le jeu n’a pas pour but de diagnostiquer directement l’Alzheimer mais de faire avancer la recherche à ce sujet.

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