Winter (Family) is coming

"" (Ruth Rosenthal) © © Noa Ben Shalom

Elle est israélienne, issue du monde du théâtre. Il est français et vient de la musique classique. Premier prix de piano au conservatoire de Nancy, il a étudié la géopolitique à Paris. Depuis qu’ils se sont rencontrés à Jaffa, ville voisine de Tel Aviv, en 2004, Ruth Rosenthal et Xavier Klaine ne se sont plus quittés. Ils ont fondé une Family. Winter Family. Un parcours passionnant, singulier, une oeuvre en mutation. « J’ai commencé par créer des boucles de piano minimales et Ruth a posé ses textes dessus. Je trouvais ça plus intéressant que de faire des mélodies, encore des mélodies. Il y en a tellement déjà des mélodies. Des mélodies inutiles. On s’est ensuite mis à composer pour le théâtre et c’est devenu de plus en plus musical. »

Petite merveille de disque, leur dernier album, South from Here, rappelle Moon Duo, Suicide, les premiers Mercury Rev et un peu Stereolab. « Suicide, tout ça, on n’a jamais écouté. Le son est dû à la boîte à rythmes vintage et au faux Moog des années 80 achetés après que l’ouragan Sandy a fait déborder l’Hudson et noyé notre matos. J’aime bien les vieilles reverbs. Mais quand j’écoute de la musique, c’est plutôt de la musique baroque. »

Ce South from Here, sorti chez Ici, d’ailleurs, Winter Family l’a essentiellement fabriqué à New York. Adepte du field recording (la captation des bruits du dehors), il a essayé pour le coup de ne pas en abuser. « On a surtout voulu enregistrer le son du chaos humain. Ce qu’incarne notamment le réveillon de Nouvel An à Manhattan sur le morceau No World. Trois millions de personnes qui hurlent avec la réverb des tours new-yorkaises: horrible. Il y a aussi des hélicoptères de la police qui ont survolé notre immeuble toute la nuit pour tuer un couple de criminels. On vivait à Flatbush, un quartier haïtien/jamaïcain assez craignos au sud de Brooklyn. Un endroit lié au combat noir. Le black party vient de là. Spike Lee y a tourné ses premiers films. »

Au-delà des disques, de la musique, Winter Family fait du théâtre documentaire. « On avait conçu une pièce sonore pour France Culture mais qui ne suffisait pas à dire tout ce qu’on voulait exprimer au sujet de la dictature émotionnelle d’Israël, retrace Ruth. Notre premier spectacle (Jérusalem Plomb Durci démontait la construction du discours nationaliste dans le pays, NDLR) était basé sur le field recording capturé dans la ville notamment. » Leur deuxième spectacle No World/FPLL (pour Front populaire de libération de la Lotharingie) s’attaque avec plus ou moins d’humour à Internet et à l’élite culturelle. Pour l’instant, Rosenthal et Klaine travaillent sur le prochain, consacré à Hébron et coproduit par le Vooruit. « On recueille des témoignages, que ce soit ceux de colons, de Palestiniens, de jeunes militaires, d’activistes internationaux, d’observateurs de l’ONU. Certains artistes ont des univers intimes, oniriques et n’ont pas besoin de bouger mais notre travail est lié aux situations dans lesquelles on se met. » Les Winter Family ont même utilisé le son d’un typhon au Japon. « On n’y peut rien: chaque fois qu’on va dans une région du monde, il s’y passe des catastrophes… »

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