Who the Devil Made It

Peter Bogdanovich revisite l’histoire du cinéma hollywoodien en compagnie de sept réalisateurs majeurs, d’Allan Dwan à George Cukor. Incontournable.

Auteur, avec The Last Picture Show, de l’une des oeuvres phares du Nouvel Hollywood -le sommet d’une filmographie l’ayant encore vu aligner les fort estimables Paper Moon, Mask (lire par ailleurs) et jusqu’au récent She’s Funny That Way-, Peter Bogdanovich est aussi, parmi d’autres qualités, un inépuisable cinéphile. Les Maîtres d’Hollywood, l’ouvrage qui paraît aujourd’hui aux éditions Capricci (vingt ans après sa sortie américaine sous le titre Who the Devil Made It), réunit ainsi, précédés d’une magistrale introduction, une série d’entretiens fouillés conduits par ses soins du début des années 60 au début des années 70 avec quelques-uns des plus grands cinéastes hollywoodiens. Soit l’occasion de revisiter l’histoire du cinéma américain en compagnie de ceux qui l’ont écrite -à savoir, pour ce premier tome, Allan Dwan, Raoul Walsh, Fritz Lang, Josef von Sternberg, Howard Hawks, Leo McCarey et George Cukor- dans une démarche n’étant pas sans évoquer les Amis américains de Bertrand Tavernier.

Who the Devil Made It

Passionnant, l’ouvrage l’est à plus d’un titre: ces conversations, de la plus lapidaire (avec Sternberg, expression de sa détestation de parler de ses films) à la plus spirituelle (avec McCarey), dessinent un portrait aiguisé de sept réalisateurs majeurs, invités à commenter leur oeuvre dans le détail. S’y ajoute un regard panoramique sur Hollywood, courant des temps héroïques du muet au déclin du système des studios. L’entretien avec Allan Dwan constitue ainsi une plongée fascinante au coeur d’une industrie encore balbutiante, et le réalisateur n’est certes pas avare d’anecdotes croustillantes, à quoi il ajoute un regard affûté sur son art, et notamment sur l’avènement du parlant, dont il constate: « Je me suis dit qu’il sonnait le glas d’un des beaux-arts ». Ce qui ne l’empêchera pas de poursuivre une prolifique carrière… Celle de Howard Hawks fait l’objet du chapitre le plus touffu; un véritable régal, la lucidité de l’auteur de Red River s’accommodant de diverses petites histoires bien dans l’esprit de son cinéma. Ainsi, par exemple, des circonstances qui l’amenèrent à tourner Le Port de l’angoisse: « J’ai dit à Hemingway que je pourrais tirer un film de son plus mauvais bouquin et il m’a répondu, d’un air assez renfrogné: « C’est quoi mon plus mauvais bouquin? » J’ai dit: « Ce tas d’ordures intitulé En avoir ou pas. » Il a répondu: « Ouais, j’avais besoin d’argent. » »Oh, ça je m’en fiche. » »Tu ne peux pas faire un film avec ça. » « Bien sûr que si. » »On sait ce qu’il en advint, le couple Bogart-Bacall entrant dans la légende du Septième art. Des anecdotes comme celle-là, Les Maîtres d’Hollywood en regorge, Bogdanovich et ses interlocuteurs dévoilant les coulisses de l’usine à rêves en même temps qu’ils en déflorent les mécanismes. Soit un ouvrage éclairant, mais aussi inspirant…

Les Maîtres d’Hollywood

De Peter Bogdanovich, Éditions Capricci, Traduit de l’anglais par Julien Marsa et Mathilde Trichet, 516 pages.

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