DE STERLING HAYDEN. EDITIONS RIVAGES, 672 PAGES.

Plus que l’autobiographie d’un acteur dont la présence massive ne pouvait masquer la fragilité, pas plus dans Asphalt Jungle de Huston que dans The Killing de Kubrick, Wanderer est un récit de voyages aux lignes d’horizon multiples. Il y a tout d’abord le périple en mer qu’a entrepris Sterling Hayden en ces jours de 1959 à bord de son sloop, le Wanderer, mettant le cap sur Tahiti accompagné d’un équipage hétéroclite et de ses enfants, en un défi à la justice américaine. Et puis, les voyages qui en découlent, définissant une carte intérieure aux contours incertains, l’exil volontaire sur les océans étant l’occasion, pour l’acteur, d’une introspection où, s’il fait le deuil de sa jeunesse, l’homme n’a pas pour autant renoncé à ses rêves, même malmenés par 43 ans d’une existence tumultueuse.

Natif du New Jersey, Hayden était un marin comme un écrivain-né, à quoi l’on ajoutera qu’il devint acteur par accident. Sa prose évoque celle d’un Jack London, vibrant tout autant du constant appel du large que d’une authentique générosité et d’un engagement sincère, à défaut d’être toujours réfléchi -toutes qualités peu en phase avec celles en cours à Hollywood, qu’il méprisait sincèrement. « Même si je ne reprends jamais la mer et n’affronte plus jamais de tempête, je peux rentrer chez moi dans la peau d’un homme, et non dans celle d’un acteur », écrit-il, alors que la mer lui a permis une forme d’accomplissement. Mû par un irréductible besoin de liberté, Hayden n’hésite pas pour autant à affronter ses contradictions, ni ses rapports ambivalents au Septième art -voir son compte rendu hilarant du tournage d’une scène de The Come On, avec Ann Baxter, mais aussi, celui, poignant, de son essai pour Asphalt Jungle. Tempérament quelque peu irrésolu à l’évidence, il n’en avait d’ailleurs pas fini avec le cinéma au moment de boucler ces pages: Kubrick à nouveau, pour Dr Strangelove, Altman, pour The Long Goodbye, Coppola, pour The Godfather, ou Bertolucci, pour 1900, ils seront encore quelques auteurs majeurs à faire appel à ses services, et d’autres aussi, mineurs. Quant au lecteur, il ne quitte ce voyageur devant l’éternel qu’à regret. Un grand bonhomme, et un grand livre.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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