Walk Me to the Corner

C’est une histoire d’une banalité abyssale. Qui arrive à des centaines de milliers de couples à travers le monde et a déjà été traitée des milliers de fois. Et pourtant, elle peut faire l’effet d’une bombe atomique quand elle vous tombe dessus. Élise, la cinquantaine, est mariée à Henrik, avec qui elle a deux grands garçons. Lors d’un vernissage, elle rencontre Dagmar, une belle femme du même âge. C’est le coup de foudre immédiat et réciproque. Le fait qu’elles soient du même sexe importe peu dans le récit. Le sujet de la bande dessinée est plutôt le bouleversement à tous les niveaux que provoque cette rencontre. Pour Élise, pour son mari, pour leur couple. L’autrice suédoise fait le choix de se focaliser uniquement sur Élise, qu’elle confronte à une autre personne à différents moments de sa nouvelle vie: l’annonce faite à son mari, les retrouvailles avec sa maîtresse, une séance chez le psy… Les amateurs de rebondissements, de scénarios à tiroirs et autres intrigues n’y trouveront pas leur compte. On est même proche du degré zéro de la bande dessinée, avec deux personnes dialoguant face à face. En revanche, l’autrice parvient à transmettre toute la gamme des sentiments: la joie et la tristesse évidemment, mais également la sensation de perte totale de repères, la désillusion face à la réalité du quotidien, la résilience enfin et l’apaisement après la tempête. Elle n’élude aucune contradiction dans ce que vit Élise: l’excitation adolescente d’être à nouveau amoureuse et le refus total de la relation que son mari entretient avec une ancienne élève. Il se dégage un sentiment de justesse rarement atteint, y compris dans le traitement graphique stylisé qui rappelle une de nos illustres compatriotes, Kitty Crowther.

Walk Me to the Corner

D’Anneli Furmark, éditions Çà et Là, 232 pages.

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