ROMAN DE VIRGINIE DESPENTES, ÉDITIONS GRASSET, 384 PAGES.

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Le premier tome des mésaventures de Vernon Subutex a secoué la rentrée de janvier dernier. Acide comme un filet de citron, Despentes y décrivait la dégringolade de cet enfant du rock, ancien disquaire inadapté à survivre dans ce monde cynique, et qui allait bientôt se retrouver à la rue. Six mois plus tard, la plus punk des écrivains français balance le deuxième volet de cette trilogie qui est un peu la version contemporaine des Rougon-Macquart de Zola. Subutex est toujours SDF. Il a élu « domicile » sur un banc des Buttes-Chaumont. Coupé du monde, son esprit commence dangereusement à sucrer les fraises. Il ignore qu’à Paris, tout le monde est à ses trousses, ses anciens potes névrosés et quelques nouvelles têtes comme Pamela Kant, ex-star du porno. Tous se demandent ce qu’il a fait du testament vidéo que lui a laissé Alex Bleach, star black du rock suicidée. C’est La Hyène, une privée lesbienne qui a mis la main sur les cassettes. Elle est censée les filer à un producteur, Dopalet, mais après les avoir visionnées, elle se ravise et rassemble fissa la petite bande pour une projection explosive. L’âme en berne, le chanteur y décrit les circonstances de la mort de son ex, Vodka Satana, et le rôle peu reluisant de Dopalet dans cette histoire. Passée la stupeur, la vengeance s’organise, orchestrée façon Lisbeth Salander dans Millenium, tatouage compris. Au-delà de l’intrigue serrée et de la lumière qui filtre timidement dans cette suite plus apaisée, ce qui frappe c’est la capacité de Despentes à se glisser dans la peau et la tête des précaires, des vieux, des marginaux. De sa plume décomplexée, stridente, l’auteure arrose au napalm les arnaques intellectuelles qui nous tiennent en laisse: la gauche pasteurisée, le racisme institutionnalisé, le machisme ordinaire… Un roman de combat, d’indignée, ultra politique, qui gratte toutes les plaies de nos petites compromissions, cultivant en arrière-plan une nostalgie pour cette période où les utopies n’avaient pas encore fondu sous le soleil trompeur du néolibéralisme.

LAURENT RAPHAËL

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