Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

ARMÉ D’UN FUSAIN ET DE MATÉRIAUX PAUVRES, LE JAMES DEAN FLAMAND PROJETTE SON IMAGINAIRE COMME UN FILM. DU GRAND SPECTACLE.

Donogoo Tonka

RINUS VAN DE VELDE, 1, JAN HOETPLEIN, À 9000 GAND. JUSQU’AU 05/06.

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C’est bien connu, une force irrésistible pousse les malfaiteurs à revenir sur les lieux de leurs crimes. De fait, le plasticien louvaniste Rinus Van de Velde (1983) a déjà exposé son travail aux cimaises du S.M.A.K. C’était en 2008, il jouait alors dans la catégorie des « jeune artistes encore à découvrir ». A l’époque, il s’était glissé entre les lignes de la biographie de William Crowder, un sculpteur américain pour le moins inconnu, afin de générer une série de maquettes et de dessins. Huit ans plus tard, c’est fort d’une notoriété accrue que Van de Velde revient à Gand. Autant dire que le poids plume est devenu poids lourd. Il propose un véritable uppercut visuel dans la grande salle qui lui est dédiée à l’étage. Celle-ci ne se découvre d’ailleurs pas sans précautions. Il nous a fallu sortir à intervalles réguliers tant la surabondance de textes et d’images gigantesques saturent l’oeil. Tout se passe comme si Rinus Van de Velde, à la manière d’une plante grimpante, avait laissé son imaginaire coloniser l’espace jusqu’à effacer le moindre vide. Heureusement, l’institution flamande consacre, au même moment, une rétrospective passionnante à l’univers de Michael Buthe. Celle-ci étreint de toute part le volume dédié au diplômé de l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers qui a progressivement abandonné sculpture et couleur au profit du seul fusain. On conseille donc d’interrompre les longues plages passées à s’imprégner des tableaux et installations de Van de Velde en allant respirer des bouffées poétiques et colorées de l’Allemand.

Intense foisonnement

L’oeuvre de Van de Velde ne laisse pas de répit, elle vous accroche dès l’entrée. L’inventaire le plus neutre consiste à dire que Donogoo Tonka fait place à neuf tableaux monumentaux -dont huit s’étalent sur un format de 3m x 6m- et quatre sculptures composées de bois et de carton. Les toiles minutieuses s’organisent en une séquence narrative précisée par de longs textes peints à même les murs du musée. Quasi photographiques et difficiles à situer -jour ou nuit?-, les scènes racontent une mise en abyme orchestrée au départ d’un conte cinématographique signé en 1920 par l’écrivain Jules Romains. C’est sur cette matière première riche d’une intrigue foisonnante rocambolesque -grosso modo, l’histoire d’un jeune homme qui va persuader son entourage de l’existence d’une ville afin de sauver l’honneur d’un géographe véreux- que Van de Velde crée une série d’images comme autant d’écrans dans lesquels il prend place.

A la suite de William Crowder dont il a aspiré la biographie, le plasticien entreprend ici de se fondre dans une histoire qui n’est pas la sienne: la fiction sert de procédé commode pour explorer la vie sans avoir à la vivre. Le tout pour un propos qui met à jour le lien entre les mots et les choses, le pouvoir des désignations sur l’imaginaire, mais également la force du simulacre. Les personnages, comme les objets, évoluent dans un univers superficiel: au sens propre, il s’agit d’êtres de surface. Cet effet est renforcé par les quatre sculptures-décors imaginées par l’artiste. Elles matérialisent des pans entiers des tableaux. La plus marquante étant sans doute une énorme vague, faite de carton et de mousse polystyrène, dont le rendu est absolument déroutant car emblématique du reste: l’oeil surfe en permanence, toute profondeur se refuse à lui.

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MICHEL VERLINDEN

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