Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

LA NOUVELLE PATINOIRE ROYALE REND UN HOMMAGE REMARQUABLE À LA FIGURATION NARRATIVE, MOUVEMENT RENDANT COMPTE DE LA RICHESSE DE LA RÉALITÉ QUOTIDIENNE

La Résistance des Images

PATINOIRE ROYALE, 15, RUE VEYDT, À 1050 BRUXELLES. JUSQU’AU 31/07.

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Waouw! Le cri vient du coeur. Impossible de le réprimer lorsque l’on découvre pour la première fois la Patinoire Royale. Ce lieu inscrit depuis 1877 au fronton du patrimoine bruxellois est désormais transformé en galerie d’art à la faveur d’une rénovation exemplaire. Après des affectations malheureuses, entre autres celle de garage et d’entrepôt, le voilà en passe de devenir une adresse centrale de la vie culturelle de la capitale. Et pour cause, avec 890 mètres carrés de surface d’exposition structurés comme un village-labyrinthe par Pierre Yovanovitch, il se murmure que le Royal skating ne serait rien de moins que la plus grande galerie d’Europe. Certes, cette nouvelle donne est une véritable aubaine pour tous les Bruxellois. Certes, elle doit être un sujet de fierté pour ses propriétaires. Mais au-delà des egos, il reste qu’un tel espace est une gageure. Chaque nouvelle exposition, on en promet deux par an, risque fort d’être un défi considérable.

Du coup, on attend la Patinoire Royale au tournant en espérant qu’elle ne soit pas qu’une promesse. Ceci, même si elle vient de réussir son examen d’entrée haut la main avec La Résistance des Images, exposition consacrée à 25 figures-clés de la Figuration narrative. Longtemps regardée de haut, cette mouvance picturale fascine car elle témoigne du relief de cette période, les années 60, à l’aube de laquelle les scénaristes de Mad Men nous ont laissés. C’est-à-dire un monde biaisé par les publicitaires dans lequel l’avoir a remplacé l’être. Un univers qui fait écho au nôtre.

Pas de neutralité

Comment raconter ce monde désacralisé? Comment lui conférer un intérêt? Tel est ce qui occupe cette génération de peintres, d’Erro à Hervé Télémaque, en passant par Peter Klassen, Gérard Fromanger et Jacques Monory. Contrairement au Pop Art duquel on la rapproche souvent, la Nouvelle figuration ne va pas opter pour la neutralité objective et idéologique. Né en France, le mouvement se devait d’entrer en résistance comme le suggère le titre de l’accrochage. On en prend la mesure à travers un grand nombre des 120 toiles accrochées aux cimaises de cet endroit qui en a sous la charpente et dont Album Le Rouge de Gérard Fromanger constitue un temps fort.

Dès l’entrée, on se laisse happer par le manifeste chromatique: verts acidulés, jaunes citrons, oranges éclatants, bruns tentures… Loin d’être stupidement thématique ou bêtement chronologique, la scénographie de La Résistance des Images invite à pointer du doigt les fondamentaux de l’esthétique à l’oeuvre. Ainsi de cette propension aux compositions sophistiquées, juxtapositions et entrelacs, qui lorgnent tant du côté de la BD que du cinéma. On apprécie également beaucoup le fait qu’ait été mis à l’honneur le travail de la Belge Evelyne Axell (Namur, 1935 – 1972) dont la reconnaissance internationale ne cesse de monter en puissance. Bien vu aussi, la possibilité qui est offerte de pouvoir prendre la mesure de l’évolution de certaines oeuvres dans le temps, ainsi de Gérard Rancillac dont on peut admirer Jazzman Loui, une toile de 2010. Bref, La Résistance des Images est une vraie fête de l’oeil qui sacre un vrai propos. Pourvu que ça dure…

WWW.LAPATINOIREROYALE.COM

MICHEL VERLINDEN

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