Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

LA RÉUSSITE DE PINA ET DE CAVE OF FORGOTTEN DREAMS OFFRE À LA 3D UN NOUVEL AVENIR DU CÔTÉ DU DOCU ET DU CINÉMA D’AUTEUR.

Le dimanche 13 février, au Festival de Berlin 2011, restera dans l’histoire du 7e art comme le moment où s’est révélé pleinement le potentiel artistique de la technologie 3D. Deux grands réalisateurs allemands et un français -Wim Wenders, Werner Herzog et Michel Ocelot- y présentant chacun et le même jour leur film tourné en relief. Trois £uvres significatives, où ces vétérans du cinéma d’auteur (Wenders a 65 ans, Herzog et Ocelot 3 de plus) ressourcent admirablement leur art, tout en l’appliquant pour 2 d’entre eux au documentaire. La preuve par 3 que le cinéma le plus ambitieux, créativement parlant, et le cinéma du réel, singulièrement, peuvent user avec bonheur du dernier cri de techniques jusqu’ici surtout mises au service de la production commerciale à grand spectacle.

De Wim Wenders et de son Pina, il est abondamment question par ailleurs dans notre dossier. Il nous faudra patienter pour découvrir l’autre merveille 3D présentée à la Berlinale. Cave Of Forgotten Dreams n’est pas, loin de là, le premier documentaire d’un Werner Herzog qui a toujours aimé explorer les réalités extrêmes. Le génial cinéaste d’ Aguirre, la colère de Dieu et de Fitzcarraldo nous emmène sous terre, en Ardèche, dans cette grotte Chauvet découverte en 1994 et où plus de 400 représentations animales témoignent de l’art aux temps du paléolithique. Ce lieu exceptionnel ne sera jamais ouvert au grand public, histoire de ne pas y voir répétés les dégâts faits à Lascaux. La plongée dans les profondeurs du temps à laquelle nous convie Herzog en est d’autant plus précieuse. C’est un voyage immobile d’une rare intensité, à la rencontre de peintures et de gravures datant de plus de 30 000 ans. Mais c’est surtout, fidèle à la démarche permanente d’Herzog, un trajet vers  » ce qui constitue l’humanité« . Car si la profondeur de champ nous absorbe comme jamais dans le cadre claustrophobe de la grotte, si le moindre cristal scintille si proche qu’on croit pouvoir le toucher, c’est avant toute chose vers ceux de nos ancêtres qui s’exprimèrent à même la roche que nos sensations et nos pensées nous mènent.

Profondeurs

Autorisé à tourner durant seulement 6 jours, et à raison de 4 heures quotidiennes, qui plus est dans un espace confiné, Herzog a poussé la technique dans ses derniers retranchements pour capter  » cette beauté enfouie dans les abîmes de la terre et du temps« . Tout comme Wim Wenders, il a reconnu dans la 3D  » le moyen adapté à un sujet particulier« , exigé pour un film précis et non pas désirable en soi. Mais même s’ils ne font plus appel dans le futur aux technologies du cinéma en relief, ces 2 réalisateurs majeurs auront établi des standards incroyablement élevés pour ceux qui les suivront. Michel Ocelot n’avait pas la même ambition en choisissant la 3D pour ses Contes de la nuit. Et il ironise volontiers sur cette « 3D plate » qu’il a voulu pour un nouveau film où son travail en ombres chinoises et en plans superposés se retrouve magnifié. Mais son apport n’en reste pas moins essentiel, en ce qu’il confirme la validité d’une approche (déjà celle de Ben Stassen dans Fly Me To The Moon) visant à user du relief pour la profondeur de champ et non pour des effets chocs et faciles.

Cette orientation, qui est aussi celle du décisif Avatar de James Cameron, promet de redéfinir notre vécu de l’espace visuel. Une authentique révolution est en germe dans cette approche « discrète » faisant du regard le complice de l’image et non plus sa cible, comme dans la 3D basique. L’art a désormais autant à y gagner que le commerce. Et c’est un fait ma- jeur. l

LOUIS DANVERS

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