Une femme au téléphone

DE CAROLE FIVES, ÉDITIONS L’ARBALÈTE/GALLIMARD, 104 PAGES.

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Une « maniaco-dépressive à tendance casse-couilles ». C’est ce que son fils dit d’elle. Mais il n’y a qu’à sa fille -dont il faudra se contenter de deviner les réponses- qu’elle s’adresse à travers ces extraits compilés d’appels téléphoniques, de son entrée à l’hôpital pour traitement d’un cancer à la naissance de son troisième petit-enfant. Pour se définir elle-même, Charlène, 63 ans, prend plus de gants: « Nous, les bipolaires, on est capables du meilleur comme du pire, c’est la maladie qui veut ça. » Dans une langue imagée, brutale, d’apparence intarissable, elle ne cache rien à son interlocutrice, que l’on devinera parfois affairée à autre chose tandis que sa daronne déblatère à feu nourri. Sa copine Colette, qu’elle voue aux gémonies avant de lui sauter dans les bras, son chien, les deux rejetons de son fils, puis celui de sa fille, sans oublier la ribambelle d’amants de passage pêchés sur Internet… Rien n’est épargné au lecteur, qui finit par redouter de tourner la page tant lui est garanti un peu plus loin la parfaite négation des sentiments exprimés un poil plus tôt. Chez Charlène, la concurrence affective avec ses petits-enfants est permanente, tous les moyens sont bons pour gratter des services ou un peu d’oseille, et surtout, le surmoi n’existe pas: « Et le fond d’écran? Tu sais comment ça se change? Non, parce que c’est ta tête que j’avais mise en fond d’écran, mais là j’en ai marre. » Puis: « Je ne te demande pas grand-chose, juste entendre le son de ta voix, même si tu ne dis rien de bien passionnant. » On en ressort éreinté, mais aussi amusé, attendri, soulagé pourtant de n’être pas son interlocuteur attitré.

F.P.

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