Une chose sérieuse

Daniel, un narrateur à la fiabilité questionnable, s’adresse à un  » tu » anonyme (lecteur, dédoublement? Le doute fait partie du dispositif). Il a été engagé par Chambray, une riche mécène érotomane pour rédiger sa biographie. Celle-ci a rassemblé dans un ermitage des marginaux (seuls capables de faire face à ce qu’elle juge être  » une catastrophe imminente« ) et pratique vraisemblablement sur eux des expériences transhumanistes. Dans la revue Papiers, la Française Gaëlle Obiégly ( N’être personne) faisait récemment un distingo qui semble programmatique pour ce roman:  » Alors que l’image s’offre, l’écrit résiste. » La matière mouvante que rédige Daniel semble être le seul moyen de ne pas devenir qu’un corps et un esprit capturés. Par-delà ses frontières sibyllines, Une chose sérieuse a donc une vraie portée politique, qui interroge la sauvagerie, le survivalisme, l’emprise, la notion de consentement et la révolte aliénée. Et le lecteur, qui ne sait rien de cette catastrophe à survenir, d’être aux aguets: va-t-on arriver jusque-là? Est-ce important? La catastrophe ne tiendrait-elle pas plutôt, comme le dit Daniel, en la domestication d’esprits jugés trop libres?  » Et c’est nous autres, la catastrophe. Ce qu’on est devenus, ce qu’on a laissé faire, par vanité, pour être les derniers, les plus forts, les survivants. »

De Gaëlle Obiégly, éditions Verticales, 192 pages.

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