Un prophète

© Duo de danseuses avec Cysp I, Marseille, Cité radieuse, Agence Dalmas, 1956. Agence Dalmas / Adagp - Éléonore de Lavandeyra-Sc

Un peu plus de 25 ans après la disparItion de Nicolas Schöffer, le LaM revient sur l’oeuvre technophile de ce plasticien à la pensée audiovisuelle. Inépuisable.

Sic transit gloria mundi. Il n’y a pas loin du Capitole à la Roche Tarpéienne. Les langues, quelles qu’elles soient, ne manquent pas de ressources pour exprimer le peu de distance qui sépare la gloire de l’oubli. Tel est le destin de Nicolas Schöffer (1912-1992), plasticien français d’origine hongroise. De son vivant, l’homme a connu toutes les consécrations dont un artiste peut rêver, reconnaissance du public, de ses pairs et de la critique -entre autres avec l’attribution en 1968 du Grand prix de sculpture de la Biennale de Venise. En 1975, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris lui dédie sa dernière grande exposition de son vivant. À cette éclatante fortune anthume a succédé… un trou noir posthume. Depuis, son oeuvre se balade dans les limbes de l’Histoire de l’art. Sans doute l’optimisme que l’intéressé portait aux sciences et aux technologies -notamment la cybernétique- a-t-il joué en la défaveur de ce créateur à l’oeuvre spectaculaire. À l’heure où de nouvelles perspectives numériques voient le jour -on songe au post-humain, au concept de village global-, le LaM a eu la brillante idée de remettre le travail d’anticipation de Schöffer sur le devant de la scène. Une initiative plus que louable dont on a confié le commissariat à Arnauld Pierre, professeur en histoire de l’art à l’Université de Paris-Sorbonne. Retour vers le passé d’un futur.

Visionnaire

En 1932, Nicolas Schöffer est inscrit à l’École des Beaux-Arts de Budapest. Il y réalise une étrange tempera sur papier auquel il attribue un nom révélateur: Le Prophète. Exposée pour la première fois au LaM, l’oeuvre figure une foule médusée par un énigmatique personnage vêtu de blanc. Le décor est celui d’une ville tentaculaire futuriste. Prémonitoire, cette scène révélatrice d’une fascination pour une esthétique visionnaire livre les clés de son travail à venir. La suite de la production de Schöffer restera dans cette lignée. En 1949, il forge sa première Horloge spatiodynamique aux mouvements contrastés. La trame? Un agencement sculptural réalisé à partir de cornières en métal assemblées à angle droit. L’objectif? Se servir de ce point de départ pour concevoir un horizon futuriste plus large, une ville spatiodynamique, en collaboration avec l’architecte Claude Parent. Vu dans le rétroviseur, le projet donne le vertige: une véritable mécanique à broyer le vivant. Mais le plasticien ne s’arrête pas en si bon chemin. Il augmente ses sculptures d’un dispositif élargi rehaussé de sources lumineuses, c’est ce qu’il nomme « l’ensemble lumino-dynamique ». En plus de générer un double immatériel, les oeuvres en trois dimensions se verront programmées de manière électromécanique à partir de 1960. Non contentes d’occuper l’espace, elles rythment le temps par le biais de séquences de mouvements. « La sculpture se regarde comme on écoute de la musique », confiait-il à l’époque. Cette spirale débridée ne cessera qu’avec la disparition de l’artiste en 1992. Avant cela, il aurait épuisé un nombre conséquent de possibles: tour spatiodynamique de 50 mètres de haut dans le Parc de Saint-Cloud -ainsi que sa variation « cybernétique » qui sera installée à Liège en 1961-, incunable de l’art vidéo répondant au nom de Variations luminodynamiques; ou encore Oridgraphics, dernier volet de l’oeuvre du maître réalisé à la souris des premiers ordinateurs. On en passe… et des meilleurs.

Rétroprospective

Nicolas Schöffer, LaM, 1, allée du Musée, à 59650 Villeneuve d’Ascq. Du 23/02 au 20/05.

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