Un jour ce sera vide

En Normandie, l’été a déjà commencé lorsque le narrateur, âgé de dix ans, rencontre Baptiste, un « vrai garçon », avec qui, comme un pacte, il commence par tuer une méduse. Jusque-là, il ne venait à la plage que pour « le spectacle des familles », peeping tom juvénile, absorbant « tout ce qu'[il pouvait] jusqu’à devenir l’air autour d’eux ». Seul avec sa grand-mère qui roule les r et prépare du foie haché comme à Lodz, c’était sa façon d’inhaler le bonheur des gens normaux. Ceux qui n’ont pas, comme lui, à se soucier d’une tante qu’il juge folle et malodorante ou à charrier en eux le pan d’Histoire de tout un peuple. Invité par la famille si parfaite de son nouvel ami, il cherche à tout saisir de leurs manières, s’escrime à devenir davantage spirituel pour faire durer le charme et être à son tour adoubé, loin des trop nombreux fantômes qui hantent sa propre maison. C’est par chromos courts que ce garçon grevé par la honte et hésitant à baisser la garde se donne à lire, rêvant d’authentiques pouvoirs pour échapper à son altérité multiple qui transparaît entre les lignes. Avec ce héros à l’auto-conscience acérée, oscillant d’un pied sur l’autre entre tendresse mélancolique des premiers émois et cruauté génératrice d’images aussi prégnantes qu’ambivalentes, Hugo Lindenberg laisse sur nos papilles de lecteurs le goût inimitable du sel de l’enfance qui s’effiloche. Remués par cette acuité et ce ton rares, on en redemanderait… Mais inévitablement, cet été de passage est amené à s’éteindre. Rendez-vous est par contre bel et bien pris au prochain livre.

De Hugo Lindenberg, éditions Bourgois, 250 pages.

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