RÉALISATEUR CINÉPHILE, QUENTIN TARANTINO N’A CESSÉ DE SATURERSA FILMOGRAPHIE DE RÉFÉRENCES DIVERSES. UN POSTULAT TOUJOURS D’ACTUALITÉ POUR THE HATEFUL EIGHT, SON HUITIÈME OPUS.

« Je vis dans une étude permanente du cinéma, appelée à ne prendre fin qu’avec ma mort », nous confiait Quentin Tarantino en marge de la sortie de Django Unchained. Derrière le réalisateur se cache en effet un cinéphage frénétique ayant, comme le rapporte la légende, nourri sa passion depuis le comptoir d’un vidéoclub, avant d’en irriguer généreusement sa filmographie. Pas un de ses films, en effet, qui n’apparaisse comme une reconnaissance de dette cinématographique; et puisque Q.T. a la cinéphilie aussi gloutonne qu’éclectique, l’hommage englobe les genres les plus divers, du polar au western, non sans glisser le long de l’échelle du cinéma de A à Z -voilà un auteur susceptible de citer dans un même film (Jackie Brown, pour ne point le nommer) la Blaxploitation et Akira Kurosawa.

Ce n’est certes pas The Hateful Eight, son nouvel opus, qui viendra modifier la tendance (lire aussi par ailleurs), alignant des emprunts au western-spaghetti (et notamment à Sergio Corbucci, dont l’on trouvait déjà la patte dans Django) commeau cinéma d’horreur version John Carpenter –The Thing est passé par là. Non sans trouver encore des accents théâtraux renvoyant à ceux de The Iceman Cometh,adapté par John Frankenheimer d’Eugene O’Neill, et pratiquer par ailleurs l’auto-citation sans modération. Nul n’est mieux servi que par soi-même, après tout, et on ne peut dénier à Tarantino d’avoir, depuis Reservoir Dogs, imposé un style n’appartenant qu’à lui, quelque chose comme le summum du « cool » postmoderne.

Avec ce premier long métrage, le réalisateur adoptait d’emblée le profil décomplexé d’un cinéaste sous influences revendiquées. S’il n’a jamais tourné que huit films (s’étant par ailleurs promis de s’arrêter à dix), ceux-ci suffiraient à alimenter n’importe quel quiz cinéma, tant les références y abondent, plus ou moins obscures, quand elles ne viennent pas brouiller les pistes. Un exemple parmi d’autres: alors que le titre français de The Hateful Eight, à savoir Les Huit Salopards, fait naturellement écho aux Douze Salopards de Robert Aldrich, ce dernier a surtout servi d’inspiration à… Inglourious Basterds, sorti il y a six ans de cela.

Ayant biberonné aux films de genre(s), c’est à l’ombre du polar que Tarantino entame son parcours, lequel offre une matrice vintage tant à Reservoir Dogs qu’à Pulp Fiction. Le premier aligne ainsi les citations avec une certaine orthodoxie, convoquant le fantôme de Dillinger par Lawrence Tierney interposé, quand il n’évoque pas The Killing de Stanley Kubrick, le dégradé de couleurs donnant leurs (sur)noms aux protagonistes étant pour sa part emprunté à The Taking of Pelham One Two Three de Joseph Sargent. Quant au second, archétype d’un cinéma postmoderniste, il élargit le spectre de ses références, intégrant par exemple le Bande à part de Godard non sans oser un… Douglas Sirk Steak.

Allégeance au western

Tarantino ravive ensuite une mémoire Bis dans Jackie Brown, où Pam Grier ressuscite de la Blaxploitation. Il récidivera dix ans plus tard, en 2007, dans Death Proof,hommage (aux côtés du Planet Terror de Robert Rodriguez) aux doubles programmes d’exploitation Grindhouse, et « slasher road-movie« de son état, où le cinéaste renvoie aussi bien aux films de Russ Meyer qu’au Vanishing Point de Richard Sarafian. Dans l’intervalle, il s’immerge pendant un an dans les films d’arts martiaux « made in Asia », histoire de nourrir le diptyque vengeur Kill Bill, somme d’influences les plus diverses, cinéphiles (Game of Death de Robert Clouse, à savoir le dernier film de Bruce Lee, Lady Snowblood de Toshiya Fujita…) et téléphiles (The Green Hornet, Kung-Fu, Shadow Warriors).

Si Tarantino y réinvente avec brio et Uma Thurman le film de sabre et de kung-fu, il y prête aussi une allégeance manifeste au western, autre matrice récurrente de l’oeuvre. Consacrant son incursion dans le domaine du film de guerre, Inglourious Basterds s’ouvre ainsi sur une scène monumentale que n’aurait pas décriée un Sergio Leone (le titre envisagé un temps n’était autre que Once Upon a Time in Nazi-Occupied France, mais sans doute le trait était-il trop gros, même pour un Tarantino). Quant à Django Unchained, suivi par The Hateful Eight aujourd’hui, ils voient le réalisateur arpenter l’Ouest sauvage avec gourmandise, ressortant tout l’attirail tarantinien pour dégainer à tout-va. Au risque de voir le pistolet s’enrayer…

TEXTE Jean-François Pluijgers

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