PROGRAMMÉ AU FESTIVAL DES LIBERTÉS EN AMONT D’UN NOUVEL ALBUM PROMETTEUR,LE BRUXELLOIS ÉLECTRIQUE UMAN PARLE DE SON PASSÉ RAP-DANCEHALL, ET DU PLAISIR DE LA QUARANTAINE ÉPANOUIE.

Avec trois noirs serrés dans un bistrot à 30 mètres de chez lui à Saint-Gilles, les 184 cm de Uman sont bien caféinés. Crâne rasé, oreilles de belle dimension, bon sourire, carcasse d’athlète, taille moyenne supérieure –184 est aussi le titre d’une chanson de son album de 2007 L’Aventure c’est l’aventure-,il a visiblement besoin de se dérider les nerfs, d’éponger le soleil d’automne au sauna musculaire. Sans vouloir psychologiser à deux sous, disons que l’intéressé, Manuel Istace au civil, contre son hyperactivité naturelle par toutes sortes de sports plus ou moins urbains -vélo, natation, poids- et une propension aux textes à gueule organique, extériorisée, virale. Une électricité physique donc, qui lui arrive à l’adolescence via le rap, coup de foudre générationnel -on est vers 1982, il a onze ans- d’un genre qui représente alors plus une combativité socio-urbaine qu’un catalogue de colliers en or. Quelque chose de l’adolescence agitée pour cette progéniture d' »intellos de gauche« -papa Pierre et maman Chantal sont journalistes ertébéens- classiquement passée par la fumette pour tempérer une thermo-énergie surdéveloppée. Sur le futur album, prévu fin octobre, l’un des meilleurs moments s’incarne dans Jimmy, soit les « 400 coups » commis avec un copain de virée qui a toutes les malchances de finir « en taule ou au cimetière« . « Moi, j’ai compris qu’avoir une « bonne famille », avec des valeurs, m’avait évité de faire, à un moment donné, de trop mauvais choix. Comme je suis assez anar de fondement et de réflexion, le dogme m’emmerde quand il s’agit de ressembler à quelqu’un: c’est dans la croisée des chemins qu’on trouve les trucs. » La voix de Uman témoigne aussi des années digérées et recomposées: « J’ai pris des cours de chant où j’ai appris à détendre ma voix, à me détendre tout court, à comprendre le parcours du souffle à l’intérieur de mon corps, à connaître les caisses de résonance qui font sortir le son. » Du coup, tout ce qui émane du mec semble en vacance de névrose, même si la vie n’est pas simple, hein.

Street Culture

La BO de la maison Istace est multiple: enfant-ado, Manuel/Uman avale les Beatles-Gainsbourg-Stones-Renaud-Hendrix-Elvis dans un grand élan jouissif nuancé par la double découverte du rap et du reggae. Avec des kets de Schaerbeek et d’autres gamins plus bobos -comme « Smimooz », fils de Jean-Jacques Jespers, autre journaliste de qualité ertébéen-, le futur Uman s’intéresse aux « cultures de la rue parce qu’elles représententdes idées, une forme d’héritage qu’on peut faire remonter aux Black Panthers ». Il fréquente un magasin spécialisé ixellois -Caroline Music/Arlequin- qui, pas de bol pour les études, se trouve à mi-chemin entre le domicile familial et le bahut, l’athénée Charles Janssens. Il participe au maxi inaugural de De Puta Madre, quitte la formation avant la sortie du premier album « pour des questions de mésententes typiquement ados », et revient néanmoins sur le label du groupe 9 mm via son projet suivant, Lickweed. Il se mange aussi très volontiers des vibrations jamaïcaines, pas seulement via le pétard mais par les « riddims », instrumentaux d’un son résolument groove: « Soyons clairs, je n’ai jamais eu de dreadlocks (sourire) mais dès 1994, j’ai lancé un soundsystem sous le nom de Bass Culture (titre inspiré d’un album de Linton Kwesi Johnson, ndlr) qui a fait plein de soirées à Bruxelles, au Full Moon, Recyclart ou Magasin 4,et m’a permis d’inviter la scène française. En retour, celle-ci m’a amené à faire des rencontres. Une de mes différences flagrantes avec cette culture-là est qu’elle aussi homophobe, ce qui va complètement à l’encontre de mes valeurs. J’ai quand même fait partie de la génération célébrant la victoire de Mitterrand en 1981. Ce qui a davantage encore changé ma vie, ce sont les études aux Beaux-Arts de Bruxelles: jusque-là, j’avais eu du mal avec l’école, je m’étais fait virer de Saint-Luc après six mois (sourire) et puis en apprenant la peinture, j’ai vraiment trouvé quelque chose à moi. » Sur son iPhone à face fracassée, il montre ses réalisations, mix graphique de marqueurs et d’acrylique. Clairement, l’urbanité est passée par là. Mais sans vampiriser l’intime.

AkaStarter

La prochaine sortie en octobre de La Tournée des grands ducs -distribué par Pias- confirme le bel esprit actuel de Uman. Un peu surpris par la réponse du site crowfunding AkaStarter -« je demandais 4000 euros, j’en ai récolté 6500, cela ne suffit pas pour assumer l’intégralité de la production mais c’est bien »-,il a énormément travaillé textes et musique. Des six titres entendus à ce jour, pas un seul ne fainéantise dans l’anecdotique. Sur un mode chanson, ils fusionnent dans un égal mélange de plaisir musical et d’autobiographie prononcée. Outre le formidable Jimmy, Uman mérite de décrocher de l’espace radio et plus avec Elle dit, Ne reviens pas ou La Vie c’est comme ça, plongées en apnée dans les turpitudes d’éternel amoureux, doué pour les mots. Bien sentis sans forcément d’orgasme littéraire malgré la propension à vivre en extase. « Là, je vis seul mais j’ai un coup de foudre tous les deux-trois ans: si je ne suis pas amoureux, c’est juste pas possible. » Sur le sentier de l’accomplissement – « oui, j’aimerais avoir des enfants »-,le mec rasé à gueule de grand gamin a rencontré des compagnons créatifs, comme Simon LeSaint, DJ et producteur entre autres connu pour ses travaux chez Stromae. Avec cette connaissance des années rap, Uman a digéré, intubé et incubé les futures chansons. Qu’il présentera donc au Festival des Libertés (lire page 11), un peu sa maison idéologique naturelle: « Je me suis tatoué le mot « liberté », tout comme mon propre prénom: faut savoir qui on est… »

EN CONCERT LE 19 OCTOBRE AVANT OXMO PUCCINO DANS LE CADRE DU FESTIVAL DES LIBERTÉS, AU KVS À BRUXELLES, WWW.THEATRENATIONAL.BE

RENCONTRE Philippe Cornet

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