MAD MEN ENTAME SON ULTIME SAISON AUX USA, TANDIS QUE BE TV EN DIFFUSE LA 6E. BIENTÔT NEUF ANS D’ORFÈVRERIE PUBLICITAIRE ET AMOUREUSE COMPLEXE, SEPT SAISONS DE MÉLANCOLIE NOIRE SANS CONCESSION AU BUSINESS TÉLÉ.

Première scène de la saison 7 de Mad Men, qui vient d’être diffusée aux USA. Freddy, un personnage secondaire de copywriter, est à l’image. L’homme regarde droit dans l’oeil de la caméra: « Vous êtes prêts? Parce que je vais vous demander d’être attentifs. Ceci est le début de quelque chose… »

Le début de la fin, en effet -cette saison, diffusée en deux salves (dont la seconde sera diffusée en 2015) sera la dernière. Freddy est, croit-il, en train de « pitcher » à sa collègue une idée pour la prochaine campagne pub de l’agence Sterling Cooper. Sauf que devant l’écran, le téléspectateur sait qu’au fond c’est à lui qu’il s’adresse, dans une mise en abyme d’une prodigieuse intelligence, la marque de fabrique de Matthew Weiner, créateur, showrunner, scénariste… L’artisan derrière le show télé le plus influent de ces dernières années. Un auteur considéré comme un demi-dieu par les fans de la série, qui saluent sans fléchir depuis 2007 (un siècle, à l’ère Internet) sa remarquable capacité à entremêler la petite et la grande Histoire, et à tracer des lignes entre lesquelles lire l’Homme, l’époque et l’avenir -rien que ça. Weiner, c’est aussi le type qui a eu le toupet de mettre sa série en veilleuse durant une saison télé complète pour protester contre les coupes budgétaires qui y étaient prévues. Une intégrité artistique rare, dans l’univers télévisuel dominé par ce que l’on croit savoir des attentes du public, qui seraient forcément au ras des pâquerettes. Respect.

Télé vs Ciné

Jon Hamm, alias Don Draper, aka le créatif intraitable-ténébreux-séduisant de la série, interrogé lors d’une table ronde mêlant des journalistes du monde entier, reconnaît n’être qu’un exécutant, dans Mad Men, au service du grand ordonnateur. « Je n’amène aucun apport créatif à cette série autre que celui qui est le mien en tant qu’acteur. Je suis ravi d’avoir simplement à mémoriser des lignes. Ce show est vraiment le bébé de Matt, et nous, comédiens, sommes seulement là pour servir sa vision. Et c’est très bien comme ça.  »

Hier, Jon Hamm exposait son minois d’Américain élevé au bon grain dans des émissions de dating douteuses, aujourd’hui il est devenu un acteur qui compte, grâce à la qualité de la partition qui lui a été offerte. Mais après? « Je ne sais pas exactement ce que je ferai. Je suis bien conscient que je serai sans emploi très bientôt. It’s a brave new world out there… « , lâche-t-il, dans un souffle que l’on devine mélancolique.

« Ferai-je de la télévision ou du cinéma? En tout cas, ces deux univers sont devenus complètement interchangeables. On n’est plus marqué du sceau de l’infamie si on travaille pour l’un ou pour l’autre, et je crois que notre série a aidé ces univers à se mélanger. Personnellement, je veux juste travailler avec des gens stimulants, des personnes qui m’inspirent, qui sont meilleures que moi, que j’admire, que je trouve intéressantes, dans des projets qui m’intéressent. Elles peuvent se trouver à la télé, dans des courts-métrages, sur Internet… N’importe où. » Le tout dernier épisode de Mad Men n’a pas encore été tourné qu’il sait déjà l’effet qu’il lui fera. « Je sais que ça va me chambouler. Cette série a été une montagne russe émotionnelle pour moi. Mais là, ce sera l’heure de sortir du manège. Je sais que je ne voudrai pas descendre, que je voudrai rester dessus. Quoi, c’est déjà fini? Toutes les bonnes choses ont une fin, mais je serai vraiment en vrac… Il y aura des larmes.  »

Mad Men a fait son temps, probablement. Aujourd’hui, les radars à buzz sonnent davantage du côté des divertissements purs de type Game of Thrones, qui trustent les couvertures des magazines faisant jadis la part belle aux pubeux new-yorkais (Don l’énigmatique, Peggy la téméraire, Joan la vénéneuse…).

Complexité vs Fun

Plusieurs années durant, l’esthétique madmenisante a contaminé les catwalks mais aussi le mobilier d’intérieur de Monsieur et Madame Tout-le-Monde… Longtemps, il a été commun de commenter l’actualité contemporaine via le prisme des sixties éthyliques et politiquement incorrectes d’AMC. Aujourd’hui, cette série complexe, qui sonde les abîmes de la solitude humaine (d’où son générique en forme de chute libre), semble avoir moins d’arguments pour séduire le téléspectateur que les grandes saignées de « fun » qui ruissellent des décapitations et autres scènes anthropophages des grands-messes télévisuelles à la Walking Dead. Mad Men n’en marquera pas moins irrémédiablement son public. Et son équipe. Jon Hamm, invité à décrire sa scène la plus inoubliable, préfère évoquer un épisode complet de la saison 4, The Suitcase. « La télé c’est un processus long et ardu, mais un moment en particulier a été formidable. Un épisode articulé autour de Don et Peggy, la fin d’un long arc narratif pour ces deux personnages. Nous parlions d’argent, de nos jobs, de la vie… et à la fin, nous entrions dans une sorte de longue nuit noire de l’âme.  »

Une longue nuit noire de l’âme: le meilleur résumé que l’on puisse faire de ces bientôt neuf années passées sur Madison Avenue.

SUR BE TV, LA SAISON 6 DÉBITE SES 13 ÉPISODES DEPUIS LE 19 AVRIL. LA SAISON 7 EST PRÉVUE POUR FIN 2014.

TEXTE Myriam Leroy

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