Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

INSTALLÉE À BRUXELLES DEPUIS OCTOBRE 2012, LA GALERIE PARIS-BEIJING S’OFFRE UN GROUP SHOW DE NEUF ARTISTES EN GUISE DE GÂTEAU D’ANNIVERSAIRE. ET UNE SURPRISE!

Here There Nowhere

GALERIE PARIS-BEIJING, 66, RUE DE L’HÔTEL DES MONNAIES, À 1060 BRUXELLES. JUSQU’AU 18/04.

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C’est l’un des plus beaux lieux d’exposition de Bruxelles. Dès l’extérieur, l’Hôtel Winssinger donne la couleur. Ce sera pierre blanche et pierre bleue pour la façade. L’intérieur n’est pas en reste, Horta a mis la gomme comme le prouvent les stucs, les lambris, le marbre de Carrare et les portes en pitchpin. Un tel environnement est sans pitié: il broie les oeuvres si elles ne sont pas à la hauteur… mais les sublime dans le cas contraire. Heureusement depuis son installation entre ces murs, la Galerie Paris-Beijing n’a jamais déçu. La programmation s’est révélée impeccable dès l’ouverture. Il faut dire que Flore et Romain Degoul, les fondateurs, peuvent compter sur des artistes de premier plan dont la fine fleur a été dénichée en Chine. Après deux années et demie d’accrochages prospectifs, la galerie a bien mérité de s’offrir un petit coup d’oeil dans le rétroviseur. C’est le propos de Here There Nowhere, exposition collective qui colonise deux niveaux du bel hôtel particulier saint-gillois. Le titre de l’événement a pour ambition d’attirer l’attention sur une tension palpable qui traverse les pièces exposées. De Laurent Chéhère à Maleonn, difficile pour le visiteur de ne pas mettre le doigt sur le fait que les oeuvres exposées sont écartelées entre le réel et le fantastique. D’un côté, les pieds sur terre. De l’autre, l’esprit ailleurs. « Anywhere out of the world« , écrivait Baudelaire.

Courage, fuyons!

Dès l’entrée, on tombe en arrêt devant le travail de RERO, artiste venu de la sphère graffiti dont le travail polysémique transcende le genre. Dans une pièce habillée de parquet en chevrons -qui craque de façon proustienne sous le pied-, cinq bustes blancs montent la garde. Cassées, renversées, oblitérées ou détournées au moyen de mots barrés, les statues témoignent de l’obsolescence programmée du passé à l’heure du digital et de son culte pour l’éternel présent. Idem pour le bloc composé de huit horloges anciennes, également signé par le Français, qui invite à se pencher sur la question du temps et de la possibilité de sortir de cette prison de verre. D’évasion, il est également question dans le travail de Myeongbeom qui, à travers ses installations, fait surgir des images au sens métaphorique puissant: un arbre emporté par des ballons rouges s’élève vers le ciel, donnant à voir ses racines. Insoutenable légèreté des choses ou fascinante capacité des êtres à s’échapper des pesanteurs. A l’étage, c’est devant Portal que l’on s’arrête. Composée de bois et de lampes fluorescentes, cette pièce de Chul Hyun Ahn ouvre carrément une brèche dans l’espace-temps de la galerie. Le vertigineux cercle ouvert devant l’oeil du spectateur est comme une passerelle vers un ailleurs. Le reste est à l’avenant. Ici pourrait surgir la petite voix du lecteur attentif auquel on a promis une… surprise. Où donc? Elle est à chercher dans la seconde partie de la galerie, une sorte de white cube aux dimensions impressionnantes. Celle-ci se laissait pressentir puisqu’il s’agit de six grands formats de la star de l’écurie Paris-Beijing, Liu Bolin. Une surprise ludique donc, puisqu’il est question de retrouver la trace du photographe sur ses images. Expert du camouflage, Bolin s’autoportraitise en prenant soin de se faire disparaître. Un propos schizophrène qui fait écho au destin de l’Empire du Milieu.

WWW.GALERIEPARISBEIJING.COM

MICHEL VERLINDEN

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