Travis et vertus

Avec Astroworld et son générique quatre étoiles, le rappeur superstar sort son album le plus ambitieux. Et, à coup sûr, le plus réussi.

Si le hip-hop passe aujourd’hui pour le genre dominant, c’est sans doute en partie parce qu’il a compris mieux que les autres les mutations en cours. La musique est devenue un flot permanent? Le rap aussi, cherchant moins à alterner les moments de présence et d’absence qu’à occuper en permanence le terrain, en multipliant les singles, dans un processus créatif continu.

La méthode a pourtant aussi ses limites. Car pour durer, il ne suffit pas de conjuguer sa musique au présent: il faut aussi de temps en temps la pousser dans ses retranchements pour l’inscrire dans le futur. Les stars en ont bien conscience. Après tout, même les pimpins de Migos cherchent à donner à leurs délires trap l’épaisseur de véritables albums. Travis Scott, lui, l’a saisi dès le début de sa jeune carrière. Repéré notamment par Kanye West, le rappeur de Houston a directement cherché à marquer les esprits avec Rodeo. Sorti en 2015, ce premier album bénéficiait notamment d’un casting tapageur -de Pharrell Williams à Future. Même principe sur le disque suivant, un an plus tard: Birds in the Trap Sing McKnight croulait sous les invités, de Kendrick Lamar à André 3000. Dans les deux cas, les tubes étaient au rendez-vous ( Pick Up the Phone, Goosebumps). Mais plus rarement, Travis Scott en profitait pour pousser les choses un peu plus loin. C’est enfin le cas sur Astroworld. Annoncé depuis un moment, le troisième album de Scott est sans conteste son essai le plus aventureux. Et aussi, le plus réussi.

Travis et vertus

Montagnes russes

Astroworld est le nom d’un ancien parc d’attractions de Houston, fermé depuis 2005. De fait, par bien des côtés, le disque de Travis Scott ressemble à une journée à Walibi: à la fois divertissante, chargée en sensations fortes, mais aussi épuisante, un poil cheap par moment, et dans tous les cas toujours un peu trop longue. Malgré cela, ses coups d’éclat valent à eux seuls le déplacement.

À nouveau, le générique aligne les noms les plus ronflants, donnant à Astroworld des airs de superproduction. à côté de figures moins connues (Sheck Wes, Gunna), les notes de pochette indiquent notamment la participation de Drake, Stevie Wonder, Tame Impala ou encore Thundercat. Sur les albums précédents, la même tactique avait pu donner l’impression que Travis Scott se planquait un peu derrière ses invités prestigieux, cherchant la validation qu’il ne pouvait obtenir seul. Sur Astroworld, il se présente enfin comme un véritable curateur. Metteur en scène discret, il fait tourner les têtes dès Carousel, emballé par Frank Ocean, tandis que Drake lui chauffe la piste sur Sicko Mode. Plus loin, Stop Trying To Be God ose l’harmonica (merci Stevie), avant de laisser James Blake chanter la messe.

Parsemé de samples malins ( Wake Up), sortant ici et là du moule trap ( Coffee Bean), Astroworld n’est certes pas parfait. Mais c’est ce qui le rend aussi attachant, refusant de rapper plus haut que son flow. Ambitieux, mais pas prétentieux, Travis Scott régale. Enjoy the ride.

Travis Scott

« Astroworld »

Distribué par Sony.

8

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