Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

NOURRI À LA RUE ET À LA CALLIGRAPHIE, LE TRAVAIL DE L’ATLAS EST AUSSI PERCUTANT EN GALERIE QU’À LA VILLE. MARTINE EHMER DÉDIE UNE EXPO À CETTE FIGURE MAJEURE.

Overgrown

L’ATLAS, GALERIE MARTINE EHMER, 200 RUE HAUTE, À 1000 BRUXELLES. JUSQU’AU 23/10.

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Si les artistes urbains ne manquent pas, rares sont ceux qui peuvent se targuer d’une syntaxe propre. Dommage car, au final, c’est l’identification d’une grammaire personnelle, homogène et imparable, qui permet de trier le bon grain de l’ivraie. Encore faut-il que celle-ci se renouvelle. Né à Paris en 1978, Jules Dedet Granel, alias L’Atlas, s’adonne au graffiti depuis les années 90. Au départ, il fait feu de tout bois, taguant comme tant d’autres sur toutes les surfaces que peut lui offrir la ville. Ces années de jeunesse constituent son roman d’apprentissage. Au fil du temps, sa pratique va s’enrichir, tout en gardant, c’est remarquable, une série de fondamentaux urbains qui en font le prix. Parmi ceux-ci, on pointe l’usage intensif qu’il fait, aujourd’hui encore, de son « blaze », son nom, dont il est parvenu à faire un sceau visuel archétypal. En 2001, il fait la connaissance du « gaffer », un « tape » de couleur blanche qui est utilisé sur les plateaux de cinéma. Ces larges bandes autocollantes vont marquer durablement son travail. Idem pour la calligraphie arabe qu’il étudie, elle vient structurer ses lignes, rendant ses compositions rigoureusement compactes. Fascinantes sont également les variations qu’il fait subir à son style, sans rien perdre en cohérence. On songe aux boussoles de forme labyrinthique -un joli paradoxe- qu’il appose aux quatre coins des cités qu’il arpente, mais également à ses Cosmic Point, des plaques d’égouts bombées utilisées comme moules sur lesquels il appose des toiles noires. Chez lui, signe d’une intense réflexion, les aspérités de la ville deviennent la matière première de l’oeuvre. Pas étonnant donc que depuis une petite dizaine d’années, l’homme ait rejoint le cénacle des pointures de l’art urbain. Ses interventions géantes sur le parvis du Centre Pompidou, sur la place du Capitole à Toulouse ou encore à la Centrale Electrique de Bruxelles ne disent pas autre chose.

Epater les galeries

De la ville à la galerie, il y a… un gouffre. On le sait, il n’est pas facile pour les artistes urbains de plier leurs imaginaires à l’exiguïté des murs d’un espace réduit. Passer de la fresque au cadre n’est pas anodin. Degas n’écrivait-il pas de l’encadrement qu’il était « le maquereau de la peinture« , soit une sorte de garde-chiourme, intéressé au bénéfice, qui empêche l’oeuvre d’interagir avec son contexte. Difficile de faire plus diamétralement opposé à l’esprit de l’art urbain. Pourtant, fort du langage qu’il a acquis dans la rue, L’Atlas semble se moquer de cette contrainte. Il le prouve magistralement chez Martine Ehmer à travers une vingtaine de toiles qui font leur miel d’une grande variété de techniques: bombes, dripping, coulures, noir et blanc, rayures… sans rien perdre en intensité expressive. Bien sûr, on retrouve le scotch, matériau omniprésent et fil rouge de son travail, mais avec d’intéressantes modulations d’intensité. Parfois la ligne est stricte, parfois elle est floue, comme vibrante. On pointera aussi l’utilisation de couleurs fluorescentes, le néon et même des infidélités à la ligne qui prennent la forme de contours basés sur de petits carrés de couleur semblant être une interprétation personnelle du pixel. Quelques sérigraphies numérotées complètent le tout, rendant le travail de L’Atlas plus accessible -c’est-à-dire sous la barre des 1000 euros.

WWW.MARTINEEHMER.COM

MICHEL VERLINDEN

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