LE GRAND ACTEUR BRITANNIQUE ÉCHAPPE AU NAUFRAGE DE NIGHT TRAIN TO LISBON. SON DISCOURS EST PAR AILLEURS TOUJOURS ORIGINAL.

Le palace berlinois est élégant, distingué. Jeremy Irons l’est encore plus, qui nous y reçoit pour un entretien qui ne décevra pas… à la différence du film qui l’amène à la Berlinale en cet hiver plutôt clément. On préférera ne pas trop parler de l’embarrassant Night Train to Lisbon, et profiter du bon moment qu’offre toute rencontre avec le britishissime Jeremy…

Avec vous, l’habit fait le moine! Choisissez-vous toujours vous-même les vêtements portés par vos personnages? Et à quel point est-ce important?

C’est très important. Surtout quand -comme ici- le personnage est avare de mots, et qu’il doit se définir par ses aspects physiques. Nous avons tenu plusieurs réunions environ deux mois avant le tournage, autour de cette seule question: comment habiller un homme qui n’a absolument aucune conscience de ce qu’il porte, un homme qui n’attache aucune importance à son look? Un universitaire qui, comme beaucoup d’intellectuels, vit dans sa tête plus que dans son corps, et dont les vêtements sont probablement achetés par sa femme? C’était très particulier, car je voulais aussi montrer son évolution au fil de l’histoire à travers les changements dans son accoutrement, qui gagne en « tranchant » au fur et à mesure. Il lui fallait aussi une paire de lunettes totalement anonymes, démodées. Ce fut difficile. Toutes les lunettes aujourd’hui sont « fashion »(rire)!

Quand vous quittez les vêtements du personnage, y laissez-vous aussi une partie de vous-même?

J’ai toujours cru en ça: vous laissez une part de vous-même en abandonnant un rôle. C’est « l’afterlife », l’au-delà: ce que nous laissons de nous-même, de notre énergie, dans les lieux où nous avons séjourné, dans les personnes que nous avons connues. C’est cela qui décide si nous allons au ciel ou en enfer, quand nous mourrons. Si vous avez vécu une bonne vie, laissé dans la mémoire des autres une énergie positive, vous êtes digne du paradis. Si au contraire vous avez abîmé les gens, vous pouvez pourrir en enfer. L’enfer et le paradis sont de ce monde, ils arrivent durant notre vie. A chacun de nous de choisir…

Quelle importance ont vos partenaires dans votre choix d’accepter un film?

Très grande. C’est comme quand vous êtes un amateur de belles voitures. Vous avez envie de rouler au volant d’une Ferrari. Jouer avec Charlotte Rampling, Bruno Ganz, Christopher Lee, c’est comme conduire une Ferrari!

Tous les acteurs ne sont pas des Ferrari. Certains sont ennuyeux…

Pas mal d’acteurs le sont. Si pas à l’écran, dans la vie réelle. Je ne fréquente pas beaucoup de comédiens. Je préfère rencontrer des gens qui ont des vies très différentes de la mienne. Des cavaliers, des chanteurs, des marins, des motards. Marins et motards sont de merveilleux groupes. Ce sont des gens dans l’action pure, des esprits aventureux…

Un film est un voyage?

Tous mes films en sont. A chaque nouveau projet, je prends le train vers un pays lointain. A la ville, je préfère la moto. J’en fais presque tous les week-ends…

Comment opérez-vous vos choix? L’expérience a-t-elle changé le processus?

Non, c’est toujours au départ une réaction venant des tripes. Une réaction pouvant être basée sur plusieurs éléments. Ai-je besoin d’argent? Suis-je intrigué par le personnage? Est-ce quelque chose que je n’ai jamais joué auparavant? Est-ce que l’histoire est une histoire que j’aimerais moi-même aller voir, ou qu’une part importante de la population aimerait aller voir (parfois, ce n’est pas la même chose)? Qui est le réalisateur? Qui sont les producteurs? Ces derniers vont-ils prendre soin du projet ou le film va-t-il prendre un temps fou à se faire… ou à ne pas se faire, finalement?

Le mot « romantique » ne vous dérange pas, quand il est employé pour vous, au présent?

Le romantisme n’a rien à voir avec l’âge. C’est une attitude vis-à-vis de l’existence. C’est être conscient du miracle de la vie, être capable de s’en émerveiller jour après jour. C’est voir dans les gens et les choses ce qu’ils ont de meilleur. On dit en critiquant que c’est regarder le monde à travers des lunettes aux verres teintés en rose. Moi, ça me va. Je n’ai rien contre les lunettes roses…

RENCONTRE Louis Danvers, À Berlin

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