Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

FIGURE ÉMINENTE DE LA SCÈNE ARTISTIQUE INTERNATIONALE, PHILIPPE PARRENO S’EMPARE DE LA TOTALITÉ DU PALAIS DE TOKYO. PLAIDOYER POUR UNE ARCHITECTURE ORGANIQUE.

Anywhere, Anywhere Out Of The World

PHILIPPE PARRENO, PALAIS DE TOKYO, À 75016 PARIS. DU 23/10 AU 12/01.

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On a toujours pensé que Philippe Parreno (1964) était une sorte de magicien de la scénographie. Son aptitude à mettre en scène avait frappé lors de The Bride and The Bachelors, exposition à la Barbican de Londres qui invoquait les figures tutélaires de Marcel Duchamp, Jasper Johns ou encore Merce Cunningham. La personnalité de ce dernier, chorégraphe américain que l’on sait, était évoquée avec beaucoup de subtilité par le biais d’un dancefloor blanc immaculé qui, entièrement déserté, émettait lui-même les bruits de pas des danseurs de la fameuse compagnie. Cette installation livrait par là une des clés du travail de Parreno qui peut se formuler de la sorte: « Le projet est toujours plus important que l’objet. » On la retrouve dans l’exposition du Palais de Tokyo. De fait, son oeuvre ne se matérialise qu’accessoirement sous forme d’objets et ne peut exister sans une mise en exposition, une mise en tension. C’est que l’absence est au coeur du programme artistique du Français. On pense à Snow Dancing, installation qui invitait les visiteurs à découvrir les traces d’une fête révolue, ces empreintes dessinant un creux, un « vide habité d’imaginaire« . Idem pour le fameux Zidane, un portrait du XXIe siècle, film de 90 minutes réalisé en compagnie de Douglas Gordon, qui a nécessité neuf mois de montage. Cette gestation a engendré un étrange ballet, en plan serré, au plus près du célèbre joueur, congédiant le reste de l’environnement. Mais, en y regardant mieux, la figure de Zinedine Zidane elle-même se voyait exclue du propos. In fine, il ne s’agissait pas d’un film sur le footballeur mais bien le portrait, d’un genre nouveau, du cinéma, de ses techniques et manipulations: machine à générer du temps et des affects.

Circonscrire dit-il

Autant dire qu’en offrant une carte blanche à Philippe Parreno, le Palais de Tokyo a flairé la bonne opération. A la fois rétrospective sélective et mise en scène d’un espace hors norme, Anywhere, Anywhere Out Of The World est un grand moment de dramaturgie qui épouse à merveille les lignes de cet incroyable lieu de mémoire. Grâce à la diversité des pratiques qu’il explore -cinéma, sculpture, performance, dessin, texte…-, le plasticien fait de l’exposition un objet à part entière dont il épuise toutes les possibilités. Mieux, Parreno réussit le tour de force de faire du bâtiment en lui-même « un organisme en perpétuelle évolution d’après un scénario minutieusement maîtrisé« . Pour y parvenir, il s’est entouré de Randall Peacock, set designer, et Nicolas Becker, sound designer. Jeux de lumière, effets visuels et combinaisons sonores, Philippe Parreno a pour ambition de créer un « condensé de présence » totalement contaminé par le langage cinématographique. C’est flagrant pour le visiteur qui l’expérimente à travers une rencontre avec le fantôme de Marilyn, la traversée d’un jardin au Portugal ou une promenade dans une rue éclairée par le clignotement des ampoules de »Marquees ».

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MICHEL VERLINDEN

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