Tofépi dans la Desh

Le dessinateur minimaliste raconte après quinze ans un voyage au Bangladesh qui a laissé des traces. À contre-courant des habituels carnets de voyage.

Rentrée faste pour L’Association, la maison indépendante co-fondée et toujours co-dirigée par Lewis Trondheim, qui place trois petits bijoux sur la ligne de départ. Si les médias parleront sans doute beaucoup, ou plus, de la Soirée d’un faune de Ruppert & Mulot, imprimé dans un format carte routière, ou du splendide et âpre Où. du trop rare Sébastien Lumineau, tous deux annoncés dans les kiosques dès ce 12 septembre, les amateurs auraient tort de rater ou de bouder le nouveau Tofépi sorti, lui, dans la canicule du mois d’août. Avec Desh, comme Bangladesh, le co-fondateur du collectif Les Taupes de l’Espace, auteur des Carroulet, de fanzines hilarants ou du plus récent mais muet Poko Woki, sort de sa zone de confort et s’essaie au récit autobiographique, lui-même intégré dans un carnet de voyages. Soit deux modes et deux contraintes BD qui n’enlèvent rien à la personnalité et au sillon de Tofépi: s’il est ici plus bavard que d’habitude, ce n’est jamais pour ne rien dire.

Tofépi dans la Desh

Pif arty

En 2004 donc, Étienne, le narrateur, a 30 ans, et un premier bilan de vie doux-amer: il vit encore chez ses parents, ses petites BD ne se vendent pas et le journal local qui l’emploie, un peu, ferme ses portes. Alors, lorsque le mari de sa tante, Shozoul, lui propose dans son mauvais français de l’accompagner au pays et de s’immerger dans cette famille éloignée et inconnue, Étienne hésite, puis se lance. Il apprendra, plus ou moins, à parler bengali, à porter le longhi et à vivre au rythme des appels à la prière, mais l’essentiel n’est pas là: Étienne va se prendre le choc des cultures sur le coin de la figure et n’arrivera pas à se sortir de son statut de « meman », qui attire à la fois convoitise et curiosité, lui coûte un maximum en cigarettes à offrir, l’interpelle et le remet en question. Loin du « storytelling » qui accompagne habituellement de tels récits, Tofépi ne fait ici aucune concession, ni à ses souvenirs, ni à leurs protagonistes. Et si l’humour, tant graphique que verbal, claque chaque fois qu’il le décide, Tofépi se révèle avec Desh plutôt grave et profond. Avec son dessin rond et faussement naïf, mélange fascinant entre une BD française un peu rétro et très popu(laire) à la Roger Mas ou Jacques Kamb, piliers de Pif, et un minimalisme arty que l’on retrouve chez un José Parrondo, Tofépi manie une petite musique très personnelle dont il montre ici toutes les variations. En reprenant l’avion pour la France, Étienne fait trois promesses à son oncle, en plus d' » arrêter de fumer pour aider ton village« :  » Essayer de faire un livre qui raconte ce séjour. Me trouver une copine. Tâcher de partir de chez mes parents. » Il a presque tenu parole.

Desh

De Tofépi, éditions L’Association, 136 pages.

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