Philippe Elhem
Philippe Elhem Journaliste jazz

ENFANT PRODIGE, LE TROP MÉCONNU PAUL BLEY RESTE L’UN DES PIANISTES QUI A LE PLUS INFLUENCÉ L’ÉVOLUTION DU JAZZ MODERNE.

Paul Bley

« The Complete Remastered Recordings On Black Saint & Soul Note »

BXS 1027 9CD SET CAM JAZZ (HARMONIA MUNDI).

8

Sorti diplômé du conservatoire à onze ans, ancien de la Juilliard School of Music, Paul Bley fait partie de la petite poignée de pianistes ayant oeuvré à façonner le jazz de la seconde moitié du XXe siècle -et certainement l’un des trois ayant le plus influencé ses confrères, les deux autres se nommant Cecil Taylor et Bill Evans. Il n’a malheureusement jamais bénéficié de l’aura d’un Keith Jarrett, pourtant un enfant naturel, pour ne pas dire plus, du pianiste canadien. Né dans le bop, Paul Bley enregistre son premier LP (Introducing Paul Bley) à 21 ans en 1953, au sein d’un trio qui inaugure le label Debut avec pour batteur Art Blakey et, comme contrebassiste, un Charles Mingus estomaqué par le talent du petit Blanc. Toute la carrière de celui qui sera le partenaire d’un soir de Charlie Parker sera ainsi ponctuée de rencontres étonnantes à l’image de celle qui, en 1958, l’amène à transformer un quartette californien dont le leader se nomme Ornette Coleman en un groupe qui l’accompagnera lors d’un engagement à Los Angeles. Après avoir épousé Carla Krog devenue Carla Bley et inventé un équivalent blanc du free jazz noir aux côtés du clarinettiste Jimmy Giuffre et du bassiste Steve Swallow, Bley sera, en 1963, le pianiste de la rencontre explosive entre Sonny Rollins et Coleman Hawkins avant de devenir l’un des pionniers du synthétiser. On le retrouve dès 1965 sur ESP avec un groupe mixte où officie le mythique saxophoniste John Gilmore avant d’offrir, en 1972 et en solo, son premier grand succès (Open To Love) à un ECM à peine sorti des limbes. Il crée son propre label, Improvised Artists Record, au milieu des années 70 sur lequel il va publier des… pianistes (Sun Ra, le trop négligé Ran Blake) et révéler des inconnus nommés Pat Metheny ou Jaco Pastorius. Les années 80 et 90 le voient recentrer ses activités autour du piano et enregistrer abondamment pour les labels (danois) Steeple Chase, (italien) Soul Note et (canadien) Justin Time.

Le coffret Black Saint/Soul Note ne représente qu’une minuscule partie de son abondante discographie. S’il ne contient pas que des chefs-d’oeuvre, il offre une sélection qui, par sa diversité, témoigne de l’éclectisme de son auteur, capable de passer du solo (Tango Palace) au quartette (The Paul Bley Group, The Paul Bley Group Live At Sweet Basil, sans doute les oeuvres les moins passionnantes proposées) au duo (Sonor avec le percussionniste George Cross McDonald, Notes en compagnie de son vieux complice Paul Motian, le formidable Mindset associé au contrebassiste Gary Peacock) voire à trois trios dissemblables (Memoirsoù Bley est entouré d’une rythmique royale formée de Motian et du contrebassiste Charlie Haden, la reconstitution avec Conversations with a Goose du combo magique des sixties où l’on retrouve à nouveau Swallow ainsi que le génial Giuffre et, enfin, l’étonnant Chaos, rencontre entre Bley et Tony Oxley, arbitrée par la contrebasse de Furio Di Castri), soit un total de neuf disques auxquels il faut ajouter, en guise de bonus, l’excellent Not To Be A Star de Keshavan Maslak,albumsur lequel Paul Bley joue les invités de luxe.

PHILIPPE ELHEM

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