Lorsque Peter Saville refuse de concevoir l’Haçienda, le célèbre concepteur de pochettes de la Factory recommande Ben Kelly à Tony Wilson et Rob Gretton. Kelly a déjà collaboré avec lui sur des « covers » d’OMD et de Section 25. Kelly est un rescapé du punk et bosse souvent pour l’écurie des Sex Pistols. Il était sur le fameux rafiot des Pistols pendant le jubilé de la reine. Il s’est même fait arrêter par les flics. Kelly a surtout designé la vitrine de Seditionaries, le magasin de Malcolm McLaren et Vivienne Westwood. Il a aussi rénové l’appart du guitariste Steve Jones.  » Je me fiche de ce que tu fais, lui aurait dit ce dernier. Du moment que ça impressionne les nanas. »

L’équipe de la Factory lui accordera pratiquement autant de liberté. L’Haçienda, le Dry, les bureaux de Factory Records, l’appartement de Tony Wilson… Kelly a toujours explosé les budgets. Faut dire que du côté de Manchester, on l’encourage activement à dépasser les bornes. L’Haçienda serait donc d’une incroyable démesure avec un design unique et emblématique. Sa décoration peut être qualifiée de fantaisie industrielle…

Ainsi, la structure du bâtiment n’est pas cachée. Elle est soulignée. Les poutres sont frappées de rayures noires et jaunes rappelant la signalétique des chantiers de construction (le nom du club vient d’un slogan de l’internationale situationniste: « The Hacienda must be built »). Les couleurs de la longue rangée de colonnes en acier font office d’avertissement: vous ne savez pas sur qui vous pouvez tomber sur la piste de danse. Schizophrène, l’Haçienda est une ville en ville avec ses coursives, ses petites places et ses trois bars. Elle est modulable pour un large panel d’activités.

Problème: Ben Kelly pense comme un architecte. Pas comme un clubber. Ainsi, le plafond est haut et l’été, le toit en verre laisse passer la lumière jusqu’à des heures tardives sans qu’on pense à le repeindre. L’Haçienda est géniale pour une galerie d’art mais pas pour une salle de concert ou une boîte de nuit. C’est ce qui fait une bonne partie de son charme.  » Est-ce une discothèque? Est-ce un bar? Est-ce une salle? Qu’importe. Faisons en sorte que ce soit tout ça. Procurons-nous un cadre. Rendons-le flexible. Et laissons les gens en décider« , commente-t-il dans Grandeur et décadence de Factory Records (de James Nice, éditions Naïve).

Kelly dit s’être inspiré du bâtiment lui-même et de son arrogance personnelle. Pensant savoir à quoi devait ressembler un club conçu pour Factory et New Order. Il fait référence au style graphique de Saville à l’époque des premières soirées Factory.

 » Les entrailles d’acier de l’entrepôt enrichies par des couleurs vives font le lien entre l’ancien Manchester, celui du dur labeur, et le nouveau Manchester, avec sa surabondance de temps libre, écrit à l’époque Alastair Best dans l’Architectural Review. Restent les photos pour s’en souvenir. l

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