DANS SON DERNIER FILM, BAZ LUHRMANN FAIT VIBRER LES FOLLES ANNÉES 20 SUR UNE BANDE-SON RAP. HÉRÉSIE OU JOYEUX ANACHRONISME?

Printemps 2011. Leonardo di Caprio a donné rendez-vous à Baz Luhrmann au Mercer Hotel, l’un des plus luxueux de Soho, New York. Au même endroit, le rappeur Jay-Z a justement loué une chambre pour y enregistrer No Church In The Wild. Leo à Baz: « Hey, Jay est quelques étages plus haut, pas envie de le rencontrer? » Ça se passe comme ça, chez les stars: quelques minutes plus tard, les trois se serrent la pince et commencent à parler du prochain projet du réalisateur australien, une nouvelle adaptation de The Great Gatsby, de F. Scott Fitzgerald.

On connaît la suite. Elle est actuellement sur les écrans, et cartonne au box-office. Le film de Baz Luhrmann a le mérite de ne pas laisser indifférent: visuellement époustouflant pour les uns, boursouflé pour les autres. La musique n’en est pas l’élément le moins surprenant. Au jazz des années 20, Luhrmann a substitué une bande-son bourrée au hip hop, supervisée par… Jay-Z.

Rap champagne

Le réalisateur a toujours aimé jouer sur la collision des époques. Que ce soit avec Romeo + Juliette (Radiohead) ou Moulin Rouge (Nirvana). Il n’est d’ailleurs pas le seul. Tarantino a usé du stratagème récemment pour son Django Unchained (le rap de Tupac en plein milieu de son western spaghetti). Dans Marie-Antoinette, Sofia Coppola a elle imaginé des fêtes versaillaises sur fond de New Order…

Dans The Great Gatsby, Luhrmann injecte donc une bonne dose de rap, mâtiné d’EDM bourrin, mixé avec une vibe jazzy assurée par Bryan Ferry et son big band vintage. Homme d’affaires avisé, Jay-Z y a placé ses propres 100$ Bill et No Church In The Wild.

L’affaire n’est pas que simple opportunisme. Il y a une logique à injecter une musique hip hop dans le récit de Gatsby le Magnifique. Fitzgerald avait lui-même baigné son roman dans la frénésie jazz des années 20. Quand il s’est agi de retranscrire cette ambiance, faite notamment de maxi-bamboules décadentes, et de la mettre au goût du jour, Luhrmann s’est forcément tourné vers le rap: « Gatsby inondait New York de champagne et de musique, attirant tout le monde dans sa toile. Aujourd’hui, il y a une autre forme de musique afro-américaine issue de la rue -le hip-hop- qui parle exactement de la même manière à nos vies. »

Même si le genre s’est depuis longtemps embourgeoisé… A cet égard, le bling bling de Gatsby est assez raccord avec celui des rappeurs. Dont le plus fameux d’entre eux: Jay-Z lui-même. Le rappeur a monté un véritable empire autour de sa musique. Avec Kanye West, ils sont ainsi devenus deux des figures les plus emblématiques de la nouvelle aristocratie pop. Luhrmann ne s’y est pas trompé… Le clin d’oeil, évident, est placé au milieu du film. En route vers Manhattan, sur le pont de Queensboro, Di Caprio/Gatsby dépasse un autre bolide. A son bord, entourés de femmes, les sosies de Kanye West et Jay-Z trinquent joyeusement, champagne à la main. Le tintement des flûtes imitant souvent le bruit du tiroir-caisse, c’est bien connu…

LA CHRONIQUE DE LAURENT HOEBRECHTS

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