The Darke side

Fille spirituelle de Raymond Briggs et de Jane Austen, Posy Simmonds nous revient avec un polar dont elle a le « so british » secret.

Les lecteurs de notre côté du Channel ont découvert sur le tard cette immense artiste anglaise qui fait pourtant partie depuis les années 70 du paysage littéraire britannique, en distillant strips, dessins de presse et livres pour la jeunesse. C’est au tournant du millénaire que le public francophone découvre « la mère du roman graphique anglais » avec des titres devenus célèbres comme Gemma Bovary et Tamara Drewe, tous deux adaptés depuis au cinéma, ajoutant encore à la renommée de l’autrice. Si ces deux albums ont pour décor la campagne, c’est bien d’une élite artistique et littéraire urbaine dont il est question. Dans ce nouvel opus, elle change de décor mais pas de population. Cassandra Darke est galeriste à Londres et le monde de l’art s’apprête à découvrir une supercherie dont la septuagénaire s’est rendue coupable: elle a escroqué des collectionneurs à qui elle a vendu plusieurs fois le même bronze du regretté sculpteur Ken McMullen. Déchue de son statut de galeriste star, elle ne pense plus qu’à son suicide par hypothermie dans son jardin. Mais en revenant de l’enterrement de son ex-mari, elle remarque des traces de pas dans sa maison située dans le très chic quartier de Sloane Square. Très vite, elle pense à sa nièce, qu’elle avait hébergée l’année précédente dans son appartement en sous-sol et qu’elle avait mise à la porte après une énième prise de bec. En le visitant, elle tombe sur un flingue et son chargeur, négligemment jetés dans la poubelle de la salle de bains.

The Darke side

Le roman graphique, le vrai

Le génie de Simmonds réside dans ses tours de passe-passe dignes des plus grands prestidigitateurs. Elle détourne votre attention avec des petits détails d’apparence anodins pour mieux vous les resservir sous une autre lumière, là où ils prennent tout leur sens. Comme cette coupure de presse annonçant la découverte d’un corps dans les bois de la banlieue londonienne, qui ouvre cette histoire et qu’on avait fini par oublier. Le coup de l’escroquerie n’est pour Simmonds qu’un prétexte à une analyse sociologique du milieu -si sympathique- de l’art. Le personnage de Cassandra est absolument infect, égocentrique, au point que sa déchéance ne parvient pas à satisfaire le lecteur épris de justice. Même sa nièce Nicki, la moins pire de cette brochette de protagonistes, ne nous est pas dévoilée sous un jour toujours très favorable. Fine observatrice de ses contemporains, Posy Simmonds peut prétendre, grâce à son art si particulier de mélanger habilement textes, illustrations et bande dessinée, à la réalisation de véritables romans graphiques, terme pourtant tellement galvaudé.

Signalons la sortie en parallèle de So British! L’art de Posy Simmonds, essai richement commenté et illustré de Paul Gravett (également chez Denoël Graphic) qui nous dévoile enfin toutes les facettes de l’artiste.

Cassandra Darke

de Posy Simmonds, éditions Denoël Graphic, 96 pages.

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