1. La lenteur. Avec trois livraisons seulement en plus de 20 ans d’écriture, Donna Tartt est ce qu’on appelle une écrivain rare. Perfectionniste jusqu’à l’obsession, l’anti-Joyce Carol Oates travaille dix ans en moyenne à chacune de ses publications. Une vraie revendication: « J’ai essayé d’écrire plus vite, j’ai essayé d’écrire un roman en un an, c’était une erreur. Je n’ai pas aimé le processus. Et s’il n’y apas de plaisir pour l’écrivain, il n’y en a pas pour le lecteur. » A 50 ans, elle déclarait récemment qu’en se tenant à ce rythme, elle espérait parvenir au nombre de cinq romans publiés -de quoi faire monter l’attente.

2. L’auto-mythologisation. Donna Tartt se montre rarement, acceptant très peu d’interviews. Mais quand elle s’expose, elle travaille ses apparitions, et se met en scène avec soin: de ses récentes apparitions, on retiendra sa silhouette ultra menue (elle mesure 1m52, « exactement la même taille que Lolita« , comme elle se plaît, paraît-il, à faire remarquer) emballée dans une élégance tomboy et androgyne chic, portant le costume masculin et la cravate, sa peau de porcelaine, son impeccable carré noir corbeau, son regard perçant et son insondable sourire Mona Lisa. La classe.

3. L’invisibilité. On ne sait rien ou presque de la vie privée de Donna Tartt, et son extrême discrétion encourage une invraisemblable source de gossips, du plus crédible au plus inintéressant: elle habiterait une grande ferme retapée en Virginie, aurait été cheerleader pour l’équipe de basket de son école dans le Mississippi, ne mangerait que de la nourriture excessivement chère, aurait acheté une île du Pacifique, lu tout Ezra Pound seule sous la pluie, serait complètement timbrée. On a extrapolé autant sur Donna Tartt que sur Thomas Pynchon ou Salinger. Et forcément, ça participe du mythe.

4. La dimension initiatique. Ethique platonicienne dans Le Maître des illusions, mystique de la littérature d’aventures de Stevenson, Kipling et Conan Doyle dans Le Petit Copain, dimension cachée des oeuvres d’art dans Le Chardonneret: les thrillers tarttiens plongent des adolescents malléables dans un environnement érudit et crypté, à la dimension initiatique fascinante. Résultat: aux USA, sur des sites dédiés (certains s’auto-proclament mausolée en son honneur -« Donna Tartt shrine »), une authentique communauté de fans ressasse, commente et interprète la dimension nébuleuse de ses thématiques.

5. L’entourage. Repérée à 20 ans par rien moins que Willie Morris, éditeur de Harper’s Magazine, représentée dès ses débuts par Amanda Urban, l’agente new-yorkaise star de Tony Morrison ou Jay McInerney, associée un temps au Literary Brat Pack, brillante mouvance East Coast désillusionnée et droguée de la fin eighties, et en particulier proche de Bret Easton Ellis, à qui elle dédicace Le Maître des Illusions, régulièrement désignée comme la descendante de Salinger, citée comme un maître par les petits prodiges de la nouvelle génération (Marisha Pessl), Donna Tartt a beau professer son indépendance farouche, elle est sans cesse approchée et récupérée par ce qui se fait de mieux en littérature US contemporaine.

Y.S.

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