Tant bien que mal

En cinq romans, Arnaud Dudek s’est progressivement affirmé comme un maître dans la retransmission exacte des incongruités du quotidien, le délicat dressage des émotions enfouies, l’analyse pointue des moeurs urbaines. C’est pourtant ici « aiguillonné par un sentiment d’urgence » qu’il s’est lancé dans la narration hypersensible de l’histoire du petit A., ayant croisé à l’âge de sept ans un prédateur à boucle d’oreille et Ford Mondeo, qui lui imposa l’indicible à l’ombre d’une forêt. « Je lui dois le petit peuple de mes cauchemars(…) Je lui dois mon inaptitude chronique à la décision. » Sans s’attarder sur les détails du crime, Dudek propose plutôt à son lecteur de suivre, à la première personne, la trajectoire contrariée d’un gamin éveillé devenu par la suite auteur puis père. Car confronté à une horreur qu’enfant il ne pouvait pas nommer, A. s’est réfugié « tant bien que mal » dans un solide mutisme et une tentative tremblotante de se construire une vie. Or « certains silences sont des libellules enfermées dans des sous-sols immenses », confesse celui qui la nuit ne ronfle pas, mais hurle à l’occasion. Jusqu’à ce qu’à distance de la maison familiale, il parvienne à se reconstruire. À remettre par hasard la main sur l’homme à la boucle d’oreille. Et surtout, bien accompagné enfin, à « enfanter un horizon ».

d’Arnaud Dudek, ÉDITIONS Alma, 96 pages.

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