POUR SON PREMIER LONG MÉTRAGE, LE JEUNE RÉALISATEUR FRANÇAIS S’EST INVESTI DANS UN SUJET DÉLICAT: LA MATERNITÉ EN PRISON. POUR EN TIRER UN FILM SECOUANT, OMBLINE.

A peine en a-t-on terminé des présentations que Stéphane Cazes, réalisateur français de bientôt 30 printemps, vous explique avoir commencé à préparer Ombline, son premier long métrage (lire critique page 35), voilà dix ans de cela. Investi, pour le moins. « Je voulais faire un film sur le lien mère-enfant, et j’étais à la recherche d’un contexte pour faire ressortir ce sujet. Quand j’ai appris qu’il y avait des bébés en prison, cela a suscité mon émotion. Je me suis documenté et j’ai commencé à me poser plein de questions. J’espère que le film est un peu à cette image, avec d’abord de l’émotion, et des interrogations qui restent après. Et que l’on apprend des choses. »

Si les films de prison sont légion, ceux sur la maternité derrière les barreaux sont rarissimes -on ne voit guère que Leonera, de l’Argentin Pablo Trapero, dans un passé récent. Pour mieux appréhender un sujet qu’il qualifie de « tabou », Stéphane Cazes a pratiqué l’immersion, travaillant pendant deux ans en prison avec l’association Genépi (Groupement national d’enseignement aux personnes incarcérées). Ombline s’est nourri pour bonne part de ses rencontres avec des détenues: « J’ai découvert le parcours de ces mères en prison, et c’est ce qui m’a le plus retourné. Je me suis rendu compte de l’importance du sujet et de la chance que j’avais de le connaître. Rentrer dans une prison est très dur, j’avais des témoignages que l’on n’obtient que rarement. Je me suis donc senti comme un devoir de les retransmettre. » Pour ce qui est de la manière, après avoir hésité entre documentaire et fiction, Cazes opte finalement pour la seconde: « Une fiction peut être tout le temps dans le point de vue d’une personne détenue, alors qu’un documentaire reste le point de vue d’une personne de l’extérieur sur l’intérieur de la prison », souligne-t-il fort à propos. Et le film de vibrer au rythme de Ombline, mère détenue engagée dans un combat à l’arrache pour la garde de son enfant –« j’ai voulu que les spectateurs soient ses yeux et ses oreilles, un parti pris fort que j’ai encore resserré quand j’ai vu la performance de Mélanie Thierry sur le tournage », totalement soufflante il est vrai.

« Tout le film est inspiré de faits réels », insiste encore un réalisateur dont l’Ombline respire une vérité secouante. Et qui n’en a d’ailleurs pas fini d’une question qu’il a contribué à porter sur la place publique en France, participant notamment à des débats autour du film. « Je ne dirais jamais au spectateur ce qu’il doit penser, je ne supporte pas les films moralisateurs, mais je critique le système, et je mets le doigt sur certaines choses. J’essaie de donner des pistes de réflexion, et de transmettre mon expérience. » Avec dans sa ligne de mire, les préjugés, qu’il espère voir tomber. Non sans s’atteler déjà à son prochain film, autour du problème de l’accès à l’eau potable en Afrique. Vaste chantier qu’il a commencé à déblayer il y a un an, le temps n’étant décidément pas de nature à l’effrayer: « J’ai envie de faire des films engagés, et le sujet de l’eau me touche tellement que je pense être parti pour encore au moins un an ou deux d’écriture », conclut-il dans un sourire…

OMBLINE, SORTIE LE 12/12.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content