Didier Stiers Journaliste

L’ANGLAIS INSTALLÉ À SIDNEY AIME MÉLANGER LES GENRES ET TENTER DE NOUVELLES COLLABORATIONS, MAIS JAMAIS AU DÉTRIMENT DE L’ÉMOTION.

Mark Pritchard

« Under the Sun »

DISTRIBUÉ PAR WARP RECORDS.

8

Il est loin d’être un inconnu, ce Mark Pritchard. Certes, mais il s’est le plus souvent exprimé sous des pseudos, comme Harmonic 313 et Troubleman, ou alors dans des formations telles que Jedi Knights, Global Communication et Africa Hitech. L’homme est aussi remixeur de pointures parmi lesquelles on retrouve Aphex Twin, Depeche Mode, Massive Attack, Radiohead (à l’époque de King of Limbs) ou encore la défunte Amy Winehouse. Il y a trois ans de cela environ, le Britannique installé en Australie a pourtant décidé de ne plus se manifester que sous son nom propre et a sorti une poignée d’EP, notamment avec Clark.

Trois ans plus tard donc, voilà cet Under the Sun nettement moins orienté dancefloor que les galettes susmentionnées. Lisez: ne cherchez pas le beat, il en est (presque) absent! C’est que l’artiste, souvent salué pour son travail d’infatigable défricheur et soupçonné d’avoir chez lui des piles de carnets truffés d’idées, a plus d’une corde à son arc et bien des choses à exprimer, seul ou, sur quatre des seize plages de ce bel album, accompagné par un invité. Linda Perhacs, la muse psyché folk de Devendra Banhart et autre Julia Holter, chante sur You Wash My Soul, touchante ballade portée par une guitare acoustique et la voix douce de l’Américaine. Sur un tempo tout aussi tranquille, l’envoûtant Beautiful People est l’occasion pour Pritchard de renouer avec Thom Yorke (les deux se connaissent via Clive Deamer, second batteur de Radiohead). Flûte et percussions donnent à cette compo, dont l’auteur dit qu’il y est question de perte, de désespoir et de chaos, un petit quelque chose d’étrangement médiéval qui n’échappera à personne.

L’accent est plus d’une fois mis sur l’émotion et celle-ci reste perceptible même dans les plages qu’on qualifierait volontiers d’expérimentales ou de moins « pop ». Il en va ainsi dès l’ouverture, en fait. La longue nappe de drone un peu mélancolique qui sert d’intro à ?, le titre instrumental d’ouverture (déjà proposé en 2009), et ces notes égrenées pendant près de trois minutes traduisent comme une attente incertaine. The Blinds Cage est par contre un spoken word posé sur de l’électro plus éclatée: Beans, le rappeur d’Antipop Consortium (et des environs de New York), s’y livre à une sorte d’introspection où les mots, là aussi, marquent un tempo hypnotique.

Beat presque absent? Pas toujours. Plus d’une corde à son arc? Un morceau comme Infrared le démontre. On dirait presque du Magnus joué en plongée: deux minutes quarante d’apnée auditive, étonnante expérience, on vous le concède! Une expérience procurée par un disque à vivre et à ressentir, ce n’est pas tous les jours que ça arrive en ces temps de musique(s) tristement formatée(s)!

DIDIER STIERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content