Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

LE SUD DE TONY GATLIF A DES COULEURS DE JEUNESSE EN PÉRIL. CÉLINE SALLETTE Y INCARNE UNE RÉSISTANCE ARDENTE.

Geronimo

DE TONY GATLIF. AVEC CÉLINE SALLETTE, RACHID YOUS, DAVID MURGIA. 1 H 44. SORTIE: 24/12.

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Le soleil est de plomb, la lumière aveuglante. Au pied des immeubles, les jeunes de quartier du Sud de la France vaquent à leurs (in)occupations. Par moments, cela frotte et se frite. Mais Géronimo n’est jamais loin. Pas le chef apache et rebelle, souvent évoqué à l’écran, du Stagecoach de John Ford au biopic de Walter Hill, bien sûr. Mais une jeune éducatrice de cité qui se dépense sans compter pour apaiser les conflits, arbitrer les différends, et proposer à « ses » jeunes autre chose que la glandouille et les petits trafics. Le personnage est fort. Il incarne une double forme de résistance aux pouvoirs (politique, économique) qui laissent une certaine jeunesse à l’abandon, et au déterminisme accepté par beaucoup et qui laisse la loi de la jungle imposer une autre injustice. Tony Gatlif aime Geronimo, son dévouement, son combat. Il a confié le rôle à Céline Sallette (De rouille et d’os, Le Capital, Vie sauvage, La French), qui le joue à merveille. Son interprétation engagée, ardente, est le meilleur d’un film généreux comme son auteur mais dont l’obsession d’être toujours intense et le caractère par trop démonstratif l’empêchent de convaincre pleinement.

L’amour en fuite

Le récit va se nouer autour d’un amour tabou. Nil, une jeune fille de 16 ans d’origine turque, fuit un mariage arrangé pour rejoindre Lucky, son amant gitan. Le couple se cache, mais les hommes de la famille de Nil s’acharnent à le chercher, prêts à sortir les couteaux de la vengeance. Ceux du clan d’en face, parents et amis de Lucky, vont leur faire obstacle. Et la tension de grandir, la violence de monter, jusqu’à l’inévitable drame… Shakespeare et son immortel Roméo et Juliette inspirent Tony Gatlif après tant d’autres. La musique, la danse, si prisées par le réalisateur d’Exils et de Gadjo Dilo, se font vecteurs d’émotion et substituent leurs sons, leurs gestes, à ceux du combat. Comme dans West Side Story, mais avec cette ferveur par endroits excessive, maladroite, propre au cinéaste. Gatlif veut exprimer la douleur avec de la couleur. Beaucoup de couleur. Trop, sans doute, pour un film dont le potentiomètre d’intensité est placé d’emblée si haut qu’il a bien du mal à tenir la note (stridente) tout au long d’une intrigue somme toute assez prévisible. Les moments superbes abondent, mais l’ensemble perd en puissance et en crédibilité justement là où il force le trait…

LOUIS DANVERS

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