SON NOM RISQUE DE NE PLUS ÊTRE IMPRONONÇABLE TRÈS LONGTEMPS. ARTISTE À SUIVRE DE 2012 SELON LA BBC, MICHAEL KIWANUKA SORT UN ÉPATANT PREMIER ALBUM DE SOUL-FOLK SEVENTIES.

Comme le disait IAM (…),  » demain, c’est loin » Ce n’est pas pour tout de suite en tout cas. A vue de nez, et d’après les indices recueillis en ce début d’année, 2012 risque encore fort de sonner comme 1991, avec un soupçon de 1967, ponctuée d’inévitables réminiscences 1984. La musique en mode écolo, le recyclage comme principal moteur créatif, Retromania à tous les étages. Dernier épisode en date: le premier album d’un jeune Londonien, Michael Kiwanuka. Intitulé Home Again, il plonge dans un bain folk-soul à la patine seventies plus vraie que nature. Cela n’a pourtant pas empêché la BBC dans ses traditionnelles prévisions de janvier de faire de Kiwanuka le « son de 2012″…

Ce n’est pas anodin. Le BBC Sound of se trompe en effet rarement. Depuis qu’il a pointé une jeune chanteuse prénommée Adele en 2008, le coup de sonde qu’il passe chaque année auprès des professionnels de la profession a quasi valeur d’oracle. Pour Michael Kiwanuka, tous les feux sont donc au vert. Une véritable autoroute, un boulevard promotionnel ouvert avant même la sortie de l’album. C’est ce qu’on appelle même une self-fulfilling prophecy, « prophétie autoréalisatrice » en français dans le texte…

PC sous valium

Quand on le rencontre dans les bureaux de sa maison de disques à Londres, le bonhomme semble toutefois vivre l’emballement avec une certaine philosophie. Large coupe afro, le sourire généreux, il pioche dans l’assiette remplie de « candies ». « J’ai besoin d’énergie », confesse-t-il. Seul indice d’une éventuelle nervosité: il parle vite, très vite. « Même ma mère me le dit! » Sa musique par contre est tout l’inverse. Sur Home Again, il détache chaque mot, voix bienveillante gorgée de soul sur accords de guitare presque folk. Les influences sautent aux oreilles: Al Green (la période miraculeuse de Hi Records), Van Morrison, Richie Havens, ou encore Bill Withers… Gênant? Etouffant même, si Michael Kiwanuka n’était pas complètement crédible. Difficile par exemple de deviner qu’il n’a que 24 ans. La première fois qu’il a dû entendre Bill Withers, ce devait pourtant être grâce au sample de Grandma’s Hands sur le No Diggity de Blackstreet…

Né à Londres, Michael Kiwanuka est fils d’immigrés ougandais. « On en fait souvent un truc très dramatique. Mais ils n’ont pas été chassés comme les Asiatiques, qui ont dû fuir le régime d’Amin Dada. Ils ont juste quitté le pays parce qu’ils voyaient que la situation dégénérait. » La famille n’est pas forcément très musicale. Son éducation en la matière, il la fait dans le quartier, à l’école, dans les classes de musique. « J’ai grandi à Muswell Hill. Une banlieue au nord de Londres, un peu isolée, le métro ne va pas jusque-là. Les gens qui vivent là sont surtout des familles. Dès que vous avez 20 piges, vous voulez vous tailler. Donc, avant ça, vous restez toujours un peu là-dedans, vous traînez dans les mêmes coins, avec les mêmes gens, dans les mêmes écoles. Quand vous formez un groupe, le batteur habite en bas de votre rue, le bassiste un peu plus loin… C’est vraiment ce cadre qui a fait ce que je suis. » La télé, Internet tout ça? « Pas vraiment en fait. Jusqu’à 17, 18 ans par exemple, je n’avais pas d’ordinateur décent, on n’avait pas les moyens. Il y avait bien un PC à la maison, mais très lent. Il mettait des heures pour faire apparaître une page et crashait dès qu’on essayait de télécharger un jeu. Donc pour se lancer, pas moyen de commencer à faire des beats, ou des trucs comme ça. Par contre, j’avais ma guitare. »

L’exemple Withers

Michael Kiwanuka est alors fan de Nirvana ou Radiohead. Un jour, il croise un ami qui porte un t-shirt de Jimi Hendrix. Et découvre que les Noirs jouent aussi de la guitare et n’ont pas toujours été abonnés au r’n’b ou au rap. Lui qui cultive un amour pour la musique folk américaine, le voilà décoincé, décomplexé. Nouveau détour par Bill Withers. Dans le documentaire qui lui était consacré ( Still Bill), Withers raconte ses débuts:  » La plupart des majors qui me contactaient avaient ce truc rhythm’n’blues en tête, avec les cuivres, les filles à l’arrière, les costumes et les chaînes en or. Mais moi je n’étais pas vraiment là-dedans. Alors je me suis dit: « Ok, j’ai ce bon boulot, monter des toilettes pour des Boeing 737, je n’ai pas besoin de tout ça. «  » Finalement, Withers s’entêtera. Et pondra des tubes comme Ain’t No Sunshine ou Lean On Me.

A sa manière, Kiwanuka a aussi dû s’obstiner. C’est peut-être pour cela aussi que Home Again sonne de manière aussi naturelle et convaincante. Il arrive à dépasser l’exercice de style creux. Un morceau comme Tell Me A Tale et ses cuivres africains -rare référence aux racines de l’intéressé- est à la fois complètement marqué et paraît tout à fait authentique et habité. Du coup, on est prêt à croire au principe Kiwanuka, celui qui veut que le « to be true » est parfois mieux que le « to be new ». L’étincelle a d’ailleurs déjà pris. Le single Home Again a trouvé directement le chemin des ondes radio. Quant au concert prévu fin avril à l’Ancienne Belgique, il a affiché complet en un clin d’£il. Le management de l’artiste gère l’hyperbole: pour l’instant, malgré l’énorme demande, il refuse d’ouvrir l’AB Box pour remplir la grande salle… La plaine de Werchter devrait probablement servir de séance de rattrapage…

MICHAEL KIWANUKA, HOME AGAIN, **** DISTRIBUÉ PAR COMMUNION/UNIVERSAL.

RENCONTRE LAURENT HOEBRECHTS, À LONDRES

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