SORTIR BIEN COUVERT

The Jeff Beck Group: "Beck-Ola"

ART RECORD COVERS, L’IMPOSANT OUVRAGE DE 450 PAGES AU FORMAT LP PROPOSÉ PAR TASCHEN, EST À CE JOUR L’ANTHOLOGIE LA PLUS ACHEVÉE SUR LES RAPPORTS ENTRE ARTET POCHETTES DE DISQUE.

Quelques absences -Mondino, Jamie Reid, Mick Rock, Stéphane Sednaoui- n’empêchent pas ce catalogue glossy reprenant les pochettes conçues à partir des années 50 d’informer, surprendre et ravir. Triple mission accomplie via quelques associations entre designers et musiciens aujourd’hui fameuses: Banksy pour sa pochette graffitée de Think Tank de Blur (2003), Richard Hamilton pour le dénudé de l’album blanc des Beatles (1968) ou Warhol, signant la seule couverture à braguette (réelle) du rock via le Sticky Fingers des Stones (1971). Ainsi que celle du livre, portrait de John Lennon pour un disque posthume et secondaire, le Menlove Ave. paru en 1986. Ce qui prouve aussi que la finesse d’un packaging n’implique pas forcément celle du contenu musical, et inversement. L’archivisme savant des auteurs -Francesco Spampinato et Julius Wiedemann- offre des entrevues fouillées, comme celle de Kim Sonic Youth Gordon, tout en constituant un formidable jeu de pistes. Où, dans la manne d’oeuvres de célébrités se retrouvant en pochette -Picasso, Jeff Wall, Robert Rauschenberg, H.R. Giger, Robert Mapplethorpe, Ai Weiwei- chacun fera son shopping. Y compris le seul Belge du lot, Admiral Freebee, repris ici pour un single de 2010 ornementé par le skater et plasticien californien, Ed Templeton.

ART RECORD COVERS, FRANCESCO SPAMINANTO, TASCHEN, 450 PAGES.

1. The Jeff Beck Group: « Beck-Ola » René Magritte

1969

L’une des parités les plus incongrues en circulation: le surréaliste belge et Jeff Beck, guitar-hero britannique pair de Clapton et de Jimmy Page. La peinture de Magritte, dont le travail orne par ailleurs une douzaine de pochettes, est utilisée via La Chambre d’écoute, pomme verte géante occupant tout l’espace, ce que le hard offensif de Beck rêvait naturellement d’accomplir.

2. Daniel Johnston: « Rejected Unknown » Daniel Johnston

1999

Johnston est l’un des seuls artistes dont la production graphique semble être l’exacte matérialisation visuelle de sa propre musique. Diagnostiqué schizophrène, ce chanteur-compositeur lo-fi peuple ses disques, comme ses chansons, de créatures difformes ou sorties d’une enfance jamais arrivée à l’âge adulte, par exemple la grenouille dessinée pour Hi, How Are You.

3. The Clash: « Radio Clash » Futura 2000

1981

Graffiteur contemporain de Basquiat et Keith Haring, ce New-Yorkais devient pote avec des Clash fascinés par la Grosse Pomme et leur dessine une radio stylisée en cover du single du même propos. Pas mal mais moins signifiant que les autres pochettes de Futura débusquées dans le bouquin, notamment pour Fab 5 Freddy et la scène toute neuve du hip-hop américain du début eighties. Plus bricolée certes, mais nettement plus fraîche que l’actuelle.

4. Bat For Lashes: « The Haunted Man » Ryan McGinley

2012

Le photographe new-yorkais McGinley, formé à la prestigieuse Parsons The New School for Design, réalise pour l’anglaise Natasha Khan/Bat For Lashes, un portrait noir et blanc classieux à la Richard Avedon. Sauf que la chanteuse porte un mec sur son dos, aussi peu habillé qu’elle. McGinley pratiquait déjà la veine naturiste pour la pochette de l’album 2008 de Sigur Rós.

5. Michael Jackson: « Dangerous » Mark Ryden

1991

En concevant l’une des pochettes les plus tarabiscotées depuis celle de Sgt. Pepper’s, Ryden, « parrain du surréalisme pop », met en place un véritable quizz sur la personnalité du « roi de la pop ». Celui-ci étant plongé dans un univers de fête foraine qui recèle autant de symboles que de personnages à décrypter, comme cette gamine tenant un crâne de prédateur dans les bras…

6. Sonic Youth: « Goo » Raymond Pettibon

1990

Pettibon bénéficie d’un featuring de plusieurs pages en début de bouquin, à la hauteur de son audace de dessinateur ironique, enraciné dans la culture punk californienne des années 80. Son trait débauché offre une vision réaliste donc cruelle de la société occidentale, comme cette pochette de Sonic Youth, inspirée du sordide fait divers anglais des « Moors murders », qui fascina tellement le maladif Morrissey. Celui-ci étant par ailleurs oublié dans cet ouvrage.

TEXTE Philippe Cornet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content