Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

PREMIER GROUPE MULTIRACIAL À SUCCÈS, LA BANDE À SLY CARBURE DÈS LA FIN SIXTIES À UN EXPLOSIF MIX DE SOUL, FUNK, ROCK ET PSYCHÉDÉLISME, MAIS AUSSI À LA CAME…

Sly And The Family Stone

Box de 4 CD « Higher! »

DISTRIBUÉ PAR SONY MUSIC.

8

La saga Sly Stone est un tel classique foirage qu’elle pourrait avoir été monitorée par un logiciel bouseux de télé-réalité. Origines modestes et archi-croyantes, irruption de la gloire, came à gogo, népotisme triomphant, concerts annulés ou foireux et puis tarissement de l’inspiration, fatigue générale, débandade prématurée, sans oublier les come-back erratiques et inutiles. Bienvenue dans le monde fabuleux de Sly Stone, que ce coffret a la bonne idée de cueillir encore frais, à 21 ans, alors qu’il est producteur-maison d’un label californien. On est en 1964, et comme l’expose le premier des quatre CD, le multi-instrumentiste surdoué au nom prédestiné cherche sa voie stylistique: sur ces chansons d’avant le succès, on entend des échos de Chuck Berry, de country & western et bien évidemment de rhythm’n’blues. Sly essaie de crooner comme Otis Redding (What Would I Do)maisil n’en a pas la volupté émotive. Par contre, il a l’instinct de former un groupe à la fois familial, masculin-féminin, blanc, noir et latino qui, dès le deuxième album paru en avril 1968 (Dance To the Music), fusionne en rutilante corporation funky-soul épongeant les incidences psychés du moment.

Virer les Whiteys

Le deuxième CD du box témoigne des frontières poreuses de la Family Stone: par exemple, la guitare wah wah sur Ride The Rhythm, inusuelle dans le R&B d’époque, et puis surtout, cette facilité à composer des hymnes radiophoniques: le single Dance To The Music séduit le public blanc comme noir, exceptionnel à l’époque, bluffé par la multiplicité des vocalistes -Sly, son frère Freddie, sa soeur Rose, le bassiste Larry Graham- jetés dans le mix cosmique. A partir de là, c’est le juke-box d’une gloire en tubes massifs (Everyday People, Stand, I Want To Take You Higher, Thank You, Family Affair) culminant par un passage ébouriffant à Woodstock 1969. Les 77 chansons du box -raretés et inédits compris- et le précieux livret accompagnateur rappellent aussi que l’étourdissante surprise-party ne dissipe ni la question raciale -les Black Panthers demandent à Sly de virer les Whiteysdu band- ni celle, plus pesante encore, de la coke, dévorant le leader Stone. La musique des disques 3 et 4, formidable puis en voie d’assèchement, couvre, à l’exception de deux titres datés de 1976-1977, le parcours jusqu’à 1975: en janvier de cette année-là, le groupe booke lui-même le prestigieux Radio City Music Hall new-yorkais. Moins de mille sièges vendus pour six fois plus de places: le split est immédiat, même si Sly fera de multiples retours sous différentes configurations, sans jamais renouer avec l’inspiration flamboyante de la première période. Prince, Rick James, George Clinton et plusieurs générations hip hop/funk sampleront et s’inspireront largement de cette Family Affairavortée.

PHILIPPE CORNET

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