Myriam Leroy
Myriam Leroy Journaliste, chroniqueuse, écrivain

Peaux de chagrin – Après 2 saisons formidables, la série britannique Skins renouvelle son casting et son propos avec brio.

Une série E4 créée par Jamie Brittain et Brian Elsley. Avec Kaya Scodelario, Jack O’Connell, Luke Pasqualino. Coffret 3 DVD. Dist: Studio Canal.

C’est l’£uvre d’un père (Brian Elsey) et d’un fils (Jamie Brittain). L’un avec l’expérience de l’âge, et l’autre avec la légitimité du sien. Un père et un fils qui ont donné naissance, un beau jour -forcément pluvieux, on est en Angleterre- de 2007, à la série la plus juste et la plus bouleversante sur l’adolescence qui ait jamais existé. Au début, elle faisait un peu penser à Kids, de Larry Clarck, parce qu’on y voyait des jeunes se droguer et se peloter à longueur d’épisodes. Mais très vite, on a compris qu’on n’était pas dans le registre désenchanté du réalisateur et photographe américain. Skins, au contraire, se révélait une £uvre lumineuse, pleine de souffle et d’émotion. Il fallait juste, pour le comprendre, passer le cap des premiers épisodes, blindés de scènes trash destinées à appâter le chaland. Une fois l’exercice de style (un poil putassier) évacué, Skins offrait le portrait tendre et grinçant d’une génération pas si perdue que ça, malgré les apparences. Elle mettait en scène le quotidien d’une bande d’ados de Bristol fréquentant la même école et confrontés aux traditionnels questionnements du passage à l’âge adulte. Des thèmes classiques étaient évoqués, comme l’amour et la mort, mais également d’autres, moins rabâchés à la télévision: l’homosexualité, la maladie, la solitude, la religion…

Le tout sans parti pris moralisateur, en évitant bien des écueils, et avec une grâce formidable. La réalisation, toute en fluidité, proposait des incursions oniriques dans un style tantôt vidéoclipesque, tantôt cinématographique, parfois cartoonesque. Au terme de 2 saisons au cours desquelles on s’attachait au destin d’un personnage particulier à chaque épisode, après un final émotionnellement très fort, les créateurs de la série firent table rase, et renouvelèrent (quasi) intégralement leur casting. Objectif: ajuster la focale sur des jeunes de 16 à 18 ans, pas plus. Ne pas déborder sur la vie rangée des majeurs.

Radical et nuancé

Faire connaissance avec ces nouveaux héros est donc un passage douloureux quand on s’est tant attaché aux anciens. Mais il apparaît rapidement que les personnages des saisons 3 et 4 ne sont ni moins bien, ni meilleurs que les précédents, mais tout simplement différents. Et c’est là le trait de génie de Jamie Brittain et Brian Elsley, qui n’ont recyclé aucun thème, aucune situation, qui ne se sont laissés aller à aucune redite, tout en réussisant une fois encore à capter l’essence de la jeunesse.

Jack O’Connell, qui interprète le rôle de James Cook, ado à la tête et aux comportements de hooligan, est particulièrement emblématique de la finesse du tableau brossé de cette génération complexe: à la fois extrême, radical et délicat, nuancé.

Effy est la pièce maîtresse de cet ensemble. Une jeune fille au regard magnétique, dont tous les camarades sont raides dingues. Effy qui parle peu mais qui hurle beaucoup à l’intérieur. Tellement, qu’elle se défonce à longueur de journée pour faire taire le volcan qui gronde en elle. A ses côtés évoluent ses prétendants, une paire de jumelles dont l’une tombera amoureuse d’une camarade de classe, un jeune immigré menacé d’expulsion, une amie -la seule- profondément à l’ouest, et des adultes abominablement immatures. Les personnages souffrent, mais le téléspectateur prend un plaisir immense à les côtoyer.

Myriam Leroy

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content