Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Derrière le groupe Shearwater, il y a Jonathan Meiburg, fan d’oiseau, d’îles lointaines et d’un rock dense et habité. Rendez-vous en terre inconnue…

Ne jamais se fier aux apparences. De la musique de Shearwater, on peut deviner bien des choses: ce qui l’habite, ce qui la nourrit, d’où elle tire certaines de ses qualités. Par contre, elle donnera peu d’indices sur son auteur principal, Jonathan Meiburg. Pas sûr que cela lui déplaise. « Je ne suis pas important. Au final, ce qui compte, c’est d’arriver à évoquer certains sentiments, un certain monde. » Quand on rencontre le bonhomme, on s’attend en fait à croiser un écorché vif, une âme tourmentée, reflet d’une musique qui ne cherche rien tant qu’à toucher à l’essentiel. A la place, Jonathan Meiburg, lunettes d’étudiant et coupe de cheveux nette, a le discours posé, affable et disponible. A mille lieues de l’image classique de la rock star. Peut-être parce qu’il n’en est pas tout à fait une. A côté de la musique, Meiburg est en effet passionné par les oiseaux – Shearwater désigne un volatile marin, le puffin. « Après mon diplôme en géographie, j’ai voulu suivre le cursus complet en ornithologie. Mais avec la musique, cela devenait difficilement compatible. J’ai dû faire un choix. »

On imagine le déchirement. « Gamin, je voulais être Jacques Cousteau. » Mais au même moment, le jeune Meiburg est aussi entouré de musique. « La famille de ma mère en particulier est très musicienne. En vacances, on chantait pas mal ensemble. Ils ont surtout réussi à préserver une sorte de tradition, qui jusqu’il y a peu existait partout. Avant les techniques d’enregistrement et de diffusion, tout le monde faisait sa propre musique. » Meiburg avoue ainsi écouter en boucle la série de compilations The Secret Museum of Mankind, collection de musiques ethniques datant d’avant la Seconde Guerre mondiale. « Anio No Mba Hisoka , un titre de Madagascar, doit être mon morceau préféré de tous les temps. C’est une chanson très douce, très courte, mais elle me fait pleurer à chaque fois. »

Chanson d’exil

Pas un hasard donc si The Golden Archipelago, le dernier album en date de Shearwater, débute par un enregistrement de l’hymne de l’atoll de Bikini. « Il a été réalisé par les descendants des gens qui habitaient sur l’atoll, et qui ont dû quitter leur île à cause des essais nucléaires. C’est une chanson d’exil bouleversante. Aucun autre pays ne possède un tel hymne national! En même temps, il est facile de s’y identifier. A un certain degré, chacun peut ressentir ce genre de sentiments. Des lieux vers lesquels on ne peut pas revenir: que ce soit un endroit particulier ou simplement l’enfance. » Meiburg a donc le thème tout trouvé de son nouveau disque. Les îles lointaines, comme celles qu’il a explorées pour ses travaux scientifiques. Les îles aussi comme terrain de multiples métaphores. « Elles peuvent être un refuge mais aussi être utilisées comme prison. C’est le lieu où habitaient les dieux mais aussi les monstres. Les gens y voient ce qu’ils veulent. »

De leur île déserte, Meiburg et ses camarades ont ainsi tiré un nouveau chapelet de chansons denses, qui partent du rock et de la folk pour mieux prendre de la hauteur, un peu à la manière d’un Talk Talk. Avec, entre 2 moments apaisés, des coups de sang ( Corridors). « La nature peut être très violente et effrayante. On a aussi essayé de retranscrire ça. En fait, sur de nombreuses îles, on a l’impression que le cours de choses est moins une lente évolution qu’une succession de moments de calme et puis de chaos complet. Comme l’est la vie en général, en fait. »

Laurent Hoebrechts

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