Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Quelle est la recette de Daptone Records?

Nous n’avons pas d’autre recette que le travail. Il n’y a pas de major pour soutenir Daptone. Nous avons lancé notre propre label. Nous l’avons monté de nos propres mains dans les années 90. A la sueur de notre front. Et maintenant, nous sommes quelque part considérés comme la Stax ou la Motown des années 2000. Réclamés par des artistes comme Amy Winehouse… Pourquoi? Parce que nous avons l’âme soul. Nous enregistrons à l’ancienne. Comme ces labels bossaient dans le temps. Certains peuvent essayer de nous imiter, prétendre qu’ils sonnent comme nous. Nous avons une vraie identité que personne ne peut nous enlever. Vous savez, nous commençons seulement à louer des bus pour nos tournées après nous être entassés pendant des années dans 2 vans. Tout est différent quand tu sors directement l’argent de ta poche. Pour la première fois, sur mon dernier album, I learned the hard way, j’ai pu me permettre de vraies choristes. Des filles qui chantaient avec moi dans mon groupe de mariages durant les années 90. Si tu viens chez nous, tu viens avec du old school. Pas de la pop. Ce n’est pas nous. Si c’est ce que tu cherches, va voir une major.

Comment expliquez-vous le revival soul?

Je n’y crois pas. La soul a toujours été là. Et les gens l’aiment parce que la plupart du temps, elle est sincère. Mark Ronson et Amy Winehouse ont peut-être réveillé MTV et le Rolling Stone mais notre identité reste la même depuis 15 ans. La soul. L’analogique. Pas le digital. Le son authentique des années 60. Je ne sais pas si tu peux le trouver ailleurs aujourd’hui et je m’en fous pour tout te dire. Tous ces labels et ces petits chanteurs rétro soul anglais essaient de nous imiter. Depuis 10 ou 15 ans maintenant, ils écoutent mes disques, ma musique. Ils ne le reconnaissent peut-être pas. Mais Sharon Jones te le dit. Ce n’était peut-être pas mon heure il y a 40 ans mais maintenant elle a sonné.

En quoi êtes-vous impliquée dans les autres projets du label?

Chez Daptone, tout le monde touche à tout. Vous avez écouté le dernier album de Naomi Shelton. Je chante dessus. Je suis l’une de ses gospel queens. Vous pouvez aussi m’entendre sur du Lee Fields. Daptone est une famille et ce depuis l’époque Desco. Je ne peux concevoir la musique autrement.

On vous présente souvent comme la petite s£ur de James Brown. Qu’incarne à vos yeux le Godfather of soul?

D’abord, l’un des plus grands héros de la musique. Il a créé le son funk. C’est dans le funk de James Brown que Fela Kuti a trouvé son afrobeat. Il a emmené la musique dans une ère nouvelle. Ouvrant la voie à Bootsy Collins, Rick James et tous les autres. Puis, surtout, il parlait à la petite fille noire que j’étais en période de ségrégation. ça ne fait même pas 50 ans que les Noirs ont le droit de vote aux Etats-Unis. A l’époque, nous devions réaliser ce qu’était notre situation et y réagir. James Brown, avec Martin Luther King et Malcolm X, a éveillé les consciences. Pavé le chemin des Afro-Américains.

Vous avez souffert du racisme dans votre carrière?

Quand j’étais jeune, l’industrie du disque m’a dit que je n’avais pas le look. Que j’étais trop petite, trop grosse et surtout trop noire. Oui trop noire. Sans doute aurais-je dû me pâlir. Teindre ma peau pour avoir l’air plus blanche. Heureusement, le Say it loud I’m black and I’m proud de James Brown avait déjà constitué un tournant dans ma vie. Depuis sa sortie, je pouvais me regarder dans une glace et me dire que je n’étais pas vilaine. Que j’étais noire et que je pouvais en être fière. Quand j’avais 10 ans, je n’arrêtais pas d’imiter James Brown à la maison avec mon frère. La première fois que j’ai assisté à l’un de ses concerts, j’avais l’impression de voir ses pieds flotter au-dessus du sol. J’avais même dit à mon père:  » Regarde papa, il vole. »

Vous avez aussi des influences plus féminines…

Des tonnes. Ella Fitzgerald, Aretha Franklin, les Supremes, Coco Taylor, Betty LaVette, Mavis Staples… Tout le monde, de la fin des années 50 au milieu des années 70, m’a marquée et inspirée. Tout le monde jusqu’à ce que Whitney Houston arrive et transforme la soul en pop dans les années 80. D’ailleurs, tu peux lui dire si tu la croises. Moi, je suis une soul singer.

I Learned the hard way, chez Daptone Records.

www.myspace.com/sharonjonesandthedapkings

Le 17/10 au Trix (Anvers) et le 30/10 à l’ Aéronef (Lille).

Julien Broquet

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