Sermons et merveilles

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Sur son neuvième album, infusé aux choeurs gospel, Kanye West annonce se mettre entièrement au service de Dieu. Les voies du Seigneur sont impénétrables…

Kanye West « Jesus Is King »

Si Jésus a souffert pour racheter les péchés des hommes, il semble désormais établi que les fans de Kanye West doivent eux-mêmes en baver pour racheter les siens. C’est leur chemin de croix: si West n’a jamais été avare de sorties médiatiques tumultueuses, il a donné l’impression ces dernières années de frôler la surchauffe, multipliant les provocations douteuses, de plus en plus difficiles à avaler -ses déclarations sur l’esclavage (qui aurait tenu du  » choix« ), ses liens avec Donald Trump… Fin 2016, il se retrouvait d’ailleurs interné en institution psychiatrique pour cause d’épuisement mental: Kanye, star et artiste unique, certes, mais humain malgré tout…

Paru l’an dernier, l’album Ye, trop bref et confus, n’avait pas vraiment rassuré sur l’état de forme de l’une des personnalités culturelles les plus marquantes et influentes de ce millénaire. Entre-temps, la vie de West a toutefois basculé. Il l’assure: c’est désormais entre les mains de Dieu qu’il remet son sort. Ses derniers concerts se sont ainsi transformés en véritables messes, à l’instar du Sunday service organisé lors du dernier festival Coachella.

Certes, le rappeur n’est pas le premier artiste à évoquer une épiphanie religieuse -au début des années 80, Dylan sortait par exemple trois disques tournant autour de sa conversion au christianisme. En outre, Yeezy n’a pas attendu 2019 pour évoquer ses racines chrétiennes -de Jesus Walks (2004) à la vibration gospel d’ Ultralight Beam (2016). Cette fois cependant, Jesus Is King est tout entier tourné vers Dieu. Même si cela ne change pas grand-chose: au final, c’est bien Kanye West qui est au centre de l’attention… Court (27 minutes à peine), Jesus Is King est ainsi porté en grande partie par un choeur gospel, omniprésent. Souvent, Kanye West y évoque sa foi, parfois jusqu’à l’écoeurement, « born again » qui a vu la Lumière et qui est bien décidé à la partager au maximum. « Listen to the words I’m sayin’, Jesus saved me, now I’m sane », annonce-t-il ainsi sur God Is, laissant tomber l’autotune, pour chanter au bord de la rupture, avec une naïveté à vrai dire assez touchante.

Sermons et merveilles

Pour autant, Kanye reste Kanye. Même dans ce qui apparaît comme son disque le plus « centré » et premier degré, il ne peut s’empêcher de glisser des sentences plus triviales – « What if Eve made apple juice? » ( Everything We Need)- ou de revenir sur ses dernières polémiques (sans forcément complètement les éclaircir sur Hands On). De la même manière, et même si ses tics sont désormais connus, West reste un producteur capable d’amener un simple morceau là où on ne l’attend pas forcément -la guitare acoustique de Closed on Sunday, l’électronique tordue d’ On God.

Cela ne suffit pas à faire de Jesus Is King un chef-d’oeuvre -à l’instar de My Beautiful Dark Twisted Fantasy ou The Life of Pablo. Mais là n’est probablement pas le plus important. Flottant, erratique (huit des onze morceaux n’atteignent pas les trois minutes), nerveux (l’extatique Every Hour pour lancer directement le disque), il ne donne surtout jamais l’impression que le rappeur à l’égo surdimensionné a réellement trouvé l’apaisement. C’est bien le comble: le neuvième album de Kanye West a beau carburer à l’eau bénite, il n’est jamais le disque de rédemption qu’il prétend être…

Distribué par Universal.

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