Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

L’AUTEUR DE MADEMOISELLE F. NE S’AFFRANCHIT PAS ENCORE DE L’OMBRE DE PHILIPPE GELUCK, MAIS TRACE SON CHEMIN ENTRE APHORISMES POPULAIRES ET NATUREL D’ESTHÈTE.

« J’ai besoin d’un homme qui sache me parler. C’est tout de même pas compliqué… Sujet, verbe, compliment! » Ainsi s’exprime Mademoiselle F., parmi d’autres aphorismes. Un joli petit brin de femme, né il y a huit ans dans les pages très classiques d’un magazine féminin, et avec laquelle Serge Dehaes s’amuse beaucoup depuis.  » Sa personnalité a toujours été improvisée. Elle est venue de dessin en dessin. C’est un concentré de contradictions et de paradoxes. La femme fatale et au foyer, la femme gourmande et au régime… Son spectre va du très joyeux au plus sordide, mais si elle est volage, c’est surtout pour éviter de refaire toujours la même chose, le pire en BD: lui dessiner toujours le même mari, non! »

Mademoiselle F. entame en réalité sa troisième vie. Née dessin de presse, comme le Bruxellois en produit beaucoup, elle s’était offerte récemment un premier lifting de popularité via les réseaux sociaux. Un outil que Serge Dehaes manie aussi bien que sa plume, puisqu’il côtoie, là aussi depuis longtemps, le monde publicitaire:  » Facebook, pour la diffusion et la promotion d’éléments qui tiennent du loisir, ça peut être très efficace. En une semaine de présence, la page de Mademoiselle F. comptait 800 contacts. Elle en a 20 000 aujourd’hui. Surtout, ça m’a permis de me rendre compte que ce personnage, a priori destiné aux femmes, était apprécié pour près de la moitié par des hommes. Et que beaucoup s’adressaient directement à ce personnage fictif.  »

Un Chat girly?

Notre Mademoiselle, qu’on aurait donc tort de classer trop vite dans le « girly », s’offre cette fois un album. Album qui présente, comme d’autres de Serge Dehaes – Frères Siamois chez Paquet ou Manager Mode d’Emploi chez Fluide-, une filiation presque évidente: un personnage central, des strips ou cartoons, des aphorismes, un trait faussement simple… Serge Dehaes ne peut qu’assumer: ça fait 22 ans qu’il travaille avec Philippe Geluck dans l’ombre de son Chat. Comme coloriste d’abord, comme co-auteur ensuite, avec Le fils du Chat.  » Vu la longueur et la richesse de notre collaboration, il est évidemment difficile de sortir vierge d’une telle parenté. Le personnage et l’auteur sont des êtres très vampirisants, même si j’essaie parfois de m’en éloigner.  »

On aurait tort, de fait, de ne connaître Serge Dehaes que par ses albums de cartoons aphoristes, même s’ils sont excellents. Déjà touche-à-tout, il s’affirme aussi comme un peintre au minimum intéressant et à suivre. Il exposait encore récemment ses aquarelles et dessins autour du thème de l’improvisation et du jazz… Du bel ouvrage, cette fois très loin d’une ligne claire à la Geluck.  » Pendant des années, j’ai continué à aller à l’Académie en élève libre, le soir, après le boulot. Ici, au contraire de mes dessins de « commande » où tout est pensé, je peux accepter l’erreur, la décomposition, l’improvisation totale. Mon plaisir est dans le verbe, mais aussi dans la simple beauté des formes. » l

u MADEMOISELLE F. , DE SERGE DEHAES, ÉDITIONS LE LOMBARD.

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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