UNE PREMIÈRE PARTIE DE PRINCE RÉCLAMÉE PAR LE MAÎTRE, UN DUO AVEC CEE LO ET UN « DEBUT ALBUM » QUI PASSE DU RAGGAMUFFIN AU FOLK-SOUL LUNAIRE: LA BRINDILLE SELAH SUE EST LE BUZZ BELGE DE CE DÉBUT 2011. ALORS, HYPE OU SUBSTANCE?

« Non, Selah ne fera plus d’interview pour la promo de son EP, il faudra attendre la sortie de son album au printemps. » C’était en décembre la « communication » de Warner, distributeur en Belgique de l’album inaugural de la nymphette blonde. Celui-ci arrive finalement en format fichier streaming, non téléchargeable donc, méfiance toujours. La demande de rencontrer Selah Sue dans un cadre  » personnel » suscite aussi des interrogations chez la firme habituée à un autre service après-vente. Depuis l’affaire dEUS en 2008 -où les journalistes furent priés de signer un accord de non-publication avant une date imposée par le groupe-, on n’avait plus vu ce quota d’esbrouffe sous nos cieux. Tout cela nourrit des rumeurs de hype d’autant plus rampantes que le style ragga échoïfié de la jeune femme peut aussi bien irriter que chalouper. Fin 2009, on la voit seule en scène, dans un Tour & Taxis réchauffé de ses glapissements agiles. Bout de charisme, voix sans peur, présence quasi enfantine tranchant avec un culot majeur. Quelque part entre Ayo et Nneka visage pâle, transcendant races et styles, très moderne époque. On se demande donc quel est l’oiseau qu’on va rencontrer dans un café latino à 2 pas de chez elle, au centre de Leuven. En fait, plutôt moineau duveteux qu’Amy Winehouse flandrienne. Elle se réclame d’ailleurs belge, papa étant d’origine carolo. Tenue en anglais -pour cause de non-bilinguisme mutuel des 2 interlocuteurs-, la conversation dénude assez vite le personnage: visage teenager mais bagages de vieilles angoisses persistantes. Sanne Putseys est née le 3 mai 1989:  » J’ai grandi à Leefdaal, une petite ville pas loin de Leuven, mon père est employé, ma mère travaille dans un home de vieilles personnes, j’habitais avec mes 2 frères et s£ur dans une habitation sociale. Une famille très cool où je suis la seule à faire de la musique. » Les parents écoutent Police et INXS et l’été venu, Selah/Sanne chante du reggae des champs avec ses potes locaux.  » Mon amour du ragga vient de là, c’est instinctif, j’aime aussi beaucoup le hip hop, les rythmes particulièrement, qui sonnent cool. Pas parce que j’ai envie d’aller en Jamaïque. » Elle sourit. Le Selah vient du titre d’une chanson de Lauryn Hill, que Sanne adore.

Blessures intimes

Moins drôle: la petite chanteuse dans la prairie est vite foudroyée par la dépression:  » J’en ai souffert de 14 à 19 ans, je prenais des médocs, allais voir la psy. Mes parents m’ont terriblement soutenue, c’est pour cela que nous avons de tels liens et que je continue à aller les voir régulièrement. Aujourd’hui, je me sens assez normale, sans doute parce que j’ai intégré le fait d’être up and down. C’est le sujet de toutes mes chansons (sic) : j’étais une petite fille très heureuse mais dure avec moi-même, je voulais être vraiment populaire ou vraiment drôle, je devais être aimée de tout le monde. » En livrant des blessures intimes, Selah dévoile aussi les clés d’un parcours tracé vers la revanche. Il y a 3 ans, elle tape dans l’oreille de Milow, vedette flamande alors en ascension et bénéficie de sa courbe de popularité en assumant sa première partie. Elle accroche coup sur coup l’attention « du plus gros booker de Belgique » et de l’homme qui gère le succès de Soulwax.  » Mon manager a voulu me faire signer d’emblée sur un label étranger, on a reçu des propositions de majors en France mais on a finalement choisi Because Music, le label de Justice. » Non que Selah ait quelque chose des techno-rockers partiellement moustachus, mais un label étranger lui semble un meilleur passeport à la reconnaissance: d’ailleurs, la France de Libé frissonne déjà pour la nouvelle working class hero.

Du coup, la première année en psy à la KUL n’est déjà plus qu’un lointain souvenir. Engloutie dans le live et les apparitions télé – Taratata ou le show hollandais De Wereld Draait Door. Même pas 22 ans et déjà vétérante des concerts, dont une apparition solo remarquée avant Prince en novembre dernier au Sportpaleis d’Anvers.  » On a le même label, Because Music, et je sais qu’ils lui avaient envoyé ma musique. Deux heures avant le show, j’ai reçu un coup de fil me disant que j’étais en première partie. Pendant le soundcheck, il est venu me dire qu’il aimait ma voix et pendant les 25 minutes de ma prestation, il était sur le côté de la scène, filmant. On m’a ensuite invitée à aller lui parler, il était comme un Bouddha (sic) , j’étais un peu sous le charme…  » Selah dit vivre au jour le jour, sans grand plan du lendemain:  » Je suis entre ne pas me laver pendant 3 jours et être hyper ambitieuse. » Le terme  » maniaco-dépressive » traverse la conversation qui se termine sur un autre Coca-Cola. On la raccompagne à sa voiture, 4×4 orange prêté par un sponsor et c’est là qu’elle dit ne pas avoir besoin de relire l’article avant parution. On lui répond qu’il n’en a jamais été question, elle sourit. Don’t believe the hype qu’ils disent. l

u CONCERTS À L’AB LE 11 (COMPLET), 12 ET 13/03 ET LE 30/04 À L’EDEN À CHARLEROI.

RENCONTRE ET PHOTO PHILIPPE CORNET

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