VASE DE NOCES A CAUSÉ LA PLUS BELLE CONTROVERSE, MAIS D’AUTRES FILMS BELGES ONT -PARFOIS AVEC HUMOUR- MANIÉ LA TRANSGRESSION.

C’est, après tout, le pays de Jérôme Bosch et des surréalistes, celui de Fernand Khnopff et de Wim Delvoye, de Jan Fabre et de Noël Godin. Comment le cinéma belge aurait-il pu rester sage comme une image alors que les pourfendeurs de tabous, les empêcheurs de penser et de créer en rond, se multipliaient en nos riantes contrées avec un singulier éclat? Le plus gros scandale jamais causé par un cinéaste belge fut assurément celui du Vase de noces de Thierry Zéno au festival de Cannes de 1975 (et après dans le monde entier), le film s’offrant d’un coup le scalp des tabous de la zoophilie et de la coprophagie. Tout en mettant à l’avant-plan un cochon, animal que Khnopff avait déjà représenté en compagnie d’une femme nue dans un tableau fameux de 1896, et que Delvoye se plaît à tatouer aujourd’hui après avoir défié la chronique avec Cloaca, sa machine à fabriquer des excréments…

Dans la même section cannoise (la Semaine de la Critique), et une petite vingtaine d’années plus tard, C’est arrivé près de chez vous faisait à son tour l’événement. Transgressif, ce faux documentaire centré sur un tueur psychopathe -génial Benoît Poelvoorde- l’était assurément, mais bien moins que son prédécesseur. Et les fans furent d’emblée plus nombreux que les contempteurs. Les temps avaient il est vrai fort changé depuis les années 70 rebelles, entamées dans l’élan révolutionnaire de 1968 et clôturées anticipativement par le « no future » du punk en 1977!

Moins international, mais nettement plus spectaculaire, fut le scandale causé par le film de Marcel Mariën, L’Imitation du cinéma. Surréaliste parmi les plus inspirés, ami de Magritte et de Scutenaire, Mariën signa en 1960 ce brûlot poétique et antireligieux dont la projection au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles fit sensation avant de lui attirer les foudres du parquet et de le voir censurer tant en France qu’en Belgique. On y voyait un jeune homme tellement impressionné par L’Imitation de Jésus-Christ (livre anonyme et pieux écrit au tournant des XIVe et XVe siècles) qu’il finissait par se crucifier lui-même. La Centrale Catholique le dénonça comme « un film ignoble et infâme, une parodie sacrilège du christianisme mêlée à une obscénité qui dépasse toute imagination« , appelant les autorités à « mettre hors de circulation une pellicule indigne d’un pays civilisé… »

Pareil anathème ne fut pas lancé contre Olivier Smolders, remarquable cinéaste traçant sa route en marge des circuits commerciaux. Amateur du peintre du bizarre Antoine Wiertz (qui lui inspira Pensées et visions d’une tête coupée), du Marquis de Sade (pour La Philosophie dans le boudoir) et de… Marcel Mariën (Point de fuite est adapté d’une de ses nouvelles), Smolders signa en 1987 l’esthétiquement superbe et profondément troublant Adoration, inspiré par le fait divers célèbre où l’étudiant japonais Sagawa tua, dépeça et mangea une jeune Hollandaise rencontrée à Paris. Un film éminemment transgressif, non pas victime d’une censure directe mais dont la diffusion fut assurément freinée par son cocktail d’érotisme, de mort et d’anthropophagie… Sur un mode on ne peut plus différent, le dessin animé de Picha Tarzoon, la honte de la jungle (1975) fut largement distribué après le scandale initial d’un détournement joyeusement obscène de Tarzan… mais après avoir accepté maintes coupes pour éviter interdictions ou classements « x ». Le film -hilarant- n’en lança pas moins la mode de l’animation « adulte ».

L.D.

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