Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

ICÔNE NEW-YORKAISE DE LA BAD PAINTING, JEAN-MICHEL BASQUIAT S’EXPOSE À BRUXELLES. DIX TOILES SEULEMENT, MAIS UN ÉVÉNEMENT.

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JEAN-MICHEL BASQUIAT, ART CURIAL, 5 AVENUE FRANKLIN ROOSEVELT, À 1050 BRUXELLES. DU 22/01 AU 13/02.

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Ce n’est pas tous les jours que Bruxelles a les honneurs d’une exposition consacrée à Jean-Michel Basquiat. D’accord, on est loin de l’intégrale qui donne le vertige dans la mesure où l’évènement Art Curial ne fait place qu’à dix tableaux. N’empêche, on ne fera pas la fine bouche pour voir « en vrai » tout le talent du New-Yorkais. Quand on demandait à Basquiat quel était son moyen d’expression, il avait coutume de répondre: « Extra large. » Il n’y a pas que de la boutade dans cette réplique, l’oeuvre de SAMO -son pseudonyme sur les murs de la ville pour « Same Old Shit »- est avant toute chose une synthèse. Une synthèse de matières et de flux. Une oeuvre qui n’a que faire des supports et de leur hiérarchie: Basquiat peignait sur tout ce qui se trouvait à portée de main: tablier de laboratoire, cartons, frigos, fenêtres, planches en bois… En dépit de l’aspect fulgurant de sa carrière (il est mort à 28 ans), ce surdoué (il a appris à lire à quatre ans et parlait couramment trois langues à huit) a condensé une multitude de strates de l’Histoire de l’art dans son travail. Comme si la vitesse à laquelle l’a happé la vie lui avait laissé en contrepartie un accès plus direct -mais néanmoins tacite- à l’art en tant que sublimation de l’existence. En douze années seulement, ce fils prodigue mi-portoricain mi-hawaïen va réaliser un incroyable coup de force esthétique. Le tout par le biais d’un inextricable agrégat opéré par un inconscient vitaminé à la sous-culture.

Primitif et savant

Quels sont les courants que l’on peut identifier au fil de ses créations? Le plus évident est celui de la mouvance à laquelle on accole le plus souvent son nom, celle de la « Bad Painting » qui fait du vulgaire et du mauvais goût une valeur plastique. Mais il y a également l’art primitif tel qu’on peut en prendre la mesure sur les masques africains, l’art sophistiqué de Rauschenberg reposant sur l’assemblage -la fameuse « combined painting »- et la multiplication des images. Sans oublier l’expressionnisme plus ou moins abstrait -qu’il soit de Max Beckmann ou Willem de Kooning-, l’art populaire tel qu’il est pratiqué par les graffeurs, ainsi que la rue avec ses myriades de symboles. Difficile donc de coller une étiquette sur son travail… même si on l’a trop souvent fait. Parmi les oeuvres qui seront présentées chez Art Curial, on s’arrêtera certainement sur l’Autoportrait de 1984. Réalisé au pastel gras sur papier, ce dessin déroule tout l’art de Basquiat. Absence de bras, visage décharné, tronc en forme de bouteille et expression christique, l’artiste est transformé en messie à la fois furieux et douloureux d’un territoire, le New York des années 80, qui avait tout d’un no man’s land déshérité. Il y a aussi Circus, Vomit, Mostly Pink (1982) à l’encadrement de fortune -des bâtons attachés par de la ficelle- qui fait place à une composition d’inscriptions emblématiques -notamment la fameuse couronne, une mâchoire inversée, témoignant d’un destin hors norme.

WWW.ARTCURIAL.COM

MICHEL VERLINDEN

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