Safari littéraire

Didier Blonde revient avec un Carnet d’adresses envoûtant, ode à la littérature et à un Paris secret voire imaginaire. Exaltant!

Les lecteurs de Didier Blonde le savent, l’auteur est un enquêteur compulsif, un  » détective de la mémoire » comme il se plaît à se décrire. Dans ses derniers romans ou essais, il farfouillait dans le cinéma (le remarqué Leïlah Mahi, 1932, prix Renaudot de l’essai 2015, ou le très beau Le Figurant en 2018). Mais il n’est pas seulement passionné de cinéma, il est aussi fondu de littérature, et poursuit aujourd’hui une vieille marotte: dénicher les adresses parisiennes, existantes ou fictives, des personnages de romans. Débutée en 2010, cette quête que l’on imagine sans fin s’est d’abord matérialisée en deux ouvrages publiés chez deux éditeurs différents. Revus, corrigés, augmentés, ils ont donné vie à Carnets d’adresses de quelques personnages fictifs de la littérature, leur version ultime.

Après un long et passionnant préambule où Blonde parvient presque à nous installer dans l’état fantasmatique dans lequel ses enquêtes le transportent, il égrène les adresses de quelques-uns des plus fameux protagonistes de la littérature.

Dans Le Figurant, on soupçonnait Didier Blonde d’alterner anecdotes avérées et rencontres imaginaires. Ici, même si  » le réel peut être têtu et refuser de se plier à la fiction« , nous prévient-il, Blonde se hasarde, au grand jour, dans des impasses dites secrètes et autres ruelles méconnues, comme on sautillerait non-stop d’un côté à l’autre de la frontière parfois ténue entre les patries souveraines du réel et de la fiction. On ne doute à aucun moment que Blonde, inlassable limier, se rend régulièrement sur tous ces lieux: il vérifie, recoupe, et déjoue brillamment les stratagèmes élaborés par les auteurs pour dissimuler une adresse chère à leur coeur -quand eux-mêmes, comme Jean Echenoz ou Daniel Pennac, ne l’ont pas rancardé.

Safari littéraire
© FRANCESCA MANTOVANI/GALLIMARD

L’enquête se restreint à Paris, mais couvre un large spectre de la littérature, française ou étrangère, et même un peu de bande dessinée: on croise Blake et Mortimer, passés, apprend-on, dans une maison un temps occupé par Patrick Modiano, Bob Morane, un certain Edgar Allan Poe, la fameuse Marie de Jean-Philippe Toussaint, les nombreux lieux hantés par  » Fantômas!« , les cafés fréquentés par le commissaire Maigret, Arsène Lupin (héros d’enfance de Blonde, par qui tout a commencé), Didier Blonde lui-même (!), quelques protagonistes de La Recherche ou, brrrr… le fantôme de l’opéra!

Mais Blonde ne fait pas qu’énumérer ces lieux, il livre aussi quelques secrets: on apprend par exemple, si on ne le savait pas déjà, que le fameux « JAMBIER! 45, RUE POLIVEAU » que Jean Gabin tente de mettre dans l’embarras dans La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara, se nomme en fait « Jamblier » dans le livre de Marcel Aymé.

C’est que Blonde sait à peu près tout sur chaque recoin -réel ou imaginaire- de Paris. Pareil safari dans la jungle parisienne peut paraître vain, futile, mais qu’on ait lu ou non tous les livres desquels sont extirpés les personnages cités, on est littéralement captivé. Il n’est pas exclu que cette quête éclairée ne vous fasse revoir l’ordre de vos prochaines lectures confinées…

Carnets d’adresses de quelques personnages fictifs de la littérature

De Didier Blonde, édition L’Arbalète/Gallimard, 256 pages.

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