QUI L’EÛT CRU? LE SILENCE A REFAIT SURFACE DANS LES CHARTS POP, DE JAMES BLAKE À THE XX. DÉCRYPTAGE.

Fin 2010. En Angleterre, la traditionnelle bataille de Noël fait rage. Qui terminera à la 1ère place des charts au soir du 25 décembre? Comme d’habitude, le gagnant de la dernière promo de X-Factor part grand favori. Sur le Net pourtant, la résistance contre les braillards de la télé-réalité s’organise. Un groupe Facebook se crée. Son objectif: faire du 4’33 » de John Cage le single de Noël! Il comptera plus de 90 000 membres. La man£uvre échouera, mais le morceau atteindra malgré tout la 21e place. Pas mal pour un titre qui consiste en 4 minutes et 33 secondes de… silence.

L’£uvre date de 1952. Compositeur d’avant-garde, Cage propose une pièce en 3 mouvements, avec instruction pour le musicien de ne pas toucher à son instrument.  » Nous devrions écouter le silence avec la même attention que nous consacrons aux sons », déclare-t-il alors. Récemment, la pop l’a pris au mot. James Blake en est l’exemple le plus frappant. « J’ai écouté pas mal de trucs différents, comme Gavin Bryars (attiré par le minimalisme, le compositeur anglais a notamment étudié avec John Cage, ndlr), ou des compositeurs ambient comme William Basinski, des projets comme Grouper.  »

Contrefeux

En 2009, un jeune groupe de Londres faisait aussi sensation. Formé par 4 gamins d’à peine 20 ans, The xx ravivait le spectre d’un rock neurasthénique. Et franchement décharné. Un titre comme Basic Space, par exemple, s’appuie sur 2 fois rien, squelettique. A l’époque, Romy Croft, la voix féminine du groupe, nous expliquait notamment avoir été fascinée par le minimalisme de l’£uvre de Philip Glass ( « je me vois encore dans le local de répète de l’école, en train de jouer pendant des heures le même riff de guitare »). Pour autant, The xx revendique également son amour du dubstep. C’est un autre point commun avec James Blake, qui a été d’abord associé à la scène électronique du moment. Une scène où l’on cultive un certain goût pour l’ombre et les climats nocturnes, les infrabasses se faisant plus sentir qu’elles ne s’écoutent.

D’autres pièces à conviction peuvent encore être avancées. Space Is Only Noise, par exemple, le 1er album de Nicolas Jaar, l’une des plaques les plus marquantes du moment. Le jeune Chilien, basé à New York, y développe une house minimaliste, un peu à la manière d’un Erik Satie du XXIe siècle. Nettement plus mainstream, Jamie Woon cartonne lui pour l’instant avec Night Air, tube éthéré et cotonneux.

Ainsi, après la déferlante fluo et la turbine des années 2000, comme une alternative à l’extravagance de Lady Gaga et apparentés, des contrefeux se sont allumés. A moins que l’explication soit plus prosaïque? Avec la mort du rock (Sur les 100 chansons les plus vendues en 2010 en Angleterre, on ne compte que 3 titres « rock »), la musique se conçoit aujourd’hui moins en groupe, à faire le plus de bruit possible dans le garage des parents, que dans la solitude de sa chambre, devant son écran. Oliver Sim, de The xx:  » A la maison, j’attendais généralement que tout le monde soit endormi pour commencer à travailler sur les chansons. «  Chuuut, plus de bruit…

L.H.

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